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Rooming-in* Considérations pratiques à l’hôpital
Martin Ward-Platt1 et Helen L. Ball2
Mothering, septembre-octobre 2002
De nombreuses mères partagent leur lit avec leurs bébés les premiers mois de vie, en particulier pour les allaiter. Bien que cette pratique soit très controversée parmi les professionnels de santé, elle a montré être bénéfique de plusieurs manières : elle réduit les interruptions de sommeil induites par les tétées nocturnes fréquentes, facilite l’allaitement en encourageant des épisodes de succion fréquents, favorise la poursuite de l’allaitement, apaise les bébés maussades, et promeut le sommeil de la mère et de son bébé (1-5). De nombreux hôpitaux s’engagent de nos jours à adopter des pratiques « amicales pour les bébés » qui encouragent l’établissement précoce et la poursuite de l’allaitement maternel. Certains développent également des politiques de « bedding-in* » - c’est-à-dire que des mères et leur bébé partagent le même lit dans le service hospitalier (6). De plus, les dispositions « ami des bébés » invitent les hôpitaux à permettre un contact peau-à-peau ininterrompu pour au moins une demi-heure après la naissance pour encourager l’allaitement durant la première heure. Elles demandent également qu’il soit conseillé aux mères de garder leur bébé auprès d’elles à tout moment (7). La prolongation évidente de cette pratique est de faciliter pour les mères le maintien du contact corporel avec leur nourrissons en dormant avec eux durant le séjour postnatal. En permettant aux mères de réconforter, de nourrir, et de s’occuper de leur bébé dans leur lit, le partage du lit peut soutenir l’établissement de l’allaitement en favorisant leur repos (8,9). Dans un hôpital britannique, la mise en place d’une politique de bedding-in* a conduit à diminuer de moitié le taux de supplémentation par des préparations pour nourrissons (10). Les politiques hospitalière de « bedding-in » peuvent fournir un cadre de règles qui autorisent les mères, voire même les encouragent, à garder leur bébé avec elles dans leur lit, le jour comme la nuit, durant leur séjour dans le service. Il n’y a actuellement pas de publication d’études sur les effets du partage du lit sur les mères et les nourrissons durant la période postnatale, soit à l’hôpital, soit à leur domicile. Il existe un certain nombre de contre-indications bien connues (tabagisme, consommation d’alcool, usage de substances qui affectent le sommeil) et des consignes de sécurité (utilisation précautionneuse de couettes et d’oreillers, ne pas utiliser de surface de sommeil molle et ne pas dormir sur un canapé) concernant le partage du lit à la maison. Mais il y a d’autres facteurs qui entrent en compte dans un service hospitalier, de la simple considération des aspects pratiques (p.e. hauteur et largeur du lit d’hôpital) à des questions complexes qui entourent l’utilisation d’analgésiques durant l’accouchement et de leur impact sur la mère et son enfant, entre autres de savoir si leur utilisation est ou non sure dans le contexte du cosleeping*. Le premier danger potentiel est la chute accidentelle du lit. A cause de la hauteur, de l’étroitesse de la plupart des lits d’hôpitaux et de la dureté du sol, les conséquences d’une d’un de ces lits pour un nouveau-né peuvent être sérieuses. La largeur et la hauteur des lits requiert également l’attention car les bébés sont positionnés de façon plus précaire dans des lits hauts et étroits que dans des lits larges et bas. La plupart des politiques de bedding-in* interdisent l’utilisation d’une quelconque forme de barrière quand un lit d’adulte est utilisé avec un nourrisson. Les barrières de sécurité traditionnelles sont inadaptées, car un bébé peut tomber, ou rester prisonnier entre les barres. Des barrières solides, rembourrées, qui évitent ce genre de problèmes, sont disponibles. Les barrières destinées pour l’utilisation de sommeil solitaire de jeunes enfants peuvent présenter un danger pour des nouveau-nés à cause de la possibilité de coincement entre la barrière et le matelas du lit. Relativement nouveaux sur le marche, des berceaux à trois cotés, basés sur la conception de berceaux de maternités standards, peuvent être attachés au lit de la mère et maintenus ainsi en place. Ils permettent un accès facile au nourrisson pour l’allaitement et les soins, et fournissent une surface de sommeil séparée sur laquelle le bébé peut dormir. Des observations comparatives sur les mouvements et interactions des mères et des nouveau-nés dormant ensemble dans différents types de lit d’hôpital (p.e. les lits d’accouchement larges comparés aux lits standards du service) établiraient scientifiquement les bénéfices de lits plus larges et plus bas pour le partage du lit. Une seconde question concerne la capacité d’une nouvelle accouchée à répondre à son bébé et constitue un facteur déterminant de la sécurité du partage du lit. Les effets des analgésiques opiacés sur le comportement du nourrisson dans les heures qui suivent la naissance sont bien connus. Les nourrisson exposés à la péthidine ont des comportements de succion retardés et réduits et sont somnolents et moins réactifs en comparaison à des nourrissons non exposés (11-13). Des effets défavorables sur la physiologie et le comportement d’un nouveau-né perdurent au moins trois jours après la naissance (14). Il a été démontré sur des nourrissons plus âgés que le partage du lit présente des dangers quand les parents ont fait usage d’alcool ou de drogues, mais très peu de choses sont connues concernant l’effet que des opiacés utilisés durant le travail peuvent avoir sur la façon dont une mère s’occupe de son bébé, et sur la durée de ces effets éventuels. La troisième question à se poser concerne l’effet du bedding-in* sur la qualité du sommeil de la mère et du nourrisson. Les recherches à l’hôpital ont montré que les mères séparées de leur nourrissons durant la nuit ne dorment pas mieux que les mères dont le bébé reste à côté de leur lit, alors que les bébés séparés de leur mère dorment considérablement moins que ceux qui dorment à leurs côtés (15-17). Ces informations ont conduit à l’actuelle pratique encourageant le partage de la chambre (rooming-in*), plutôt que de placer le nourrisson à la pouponnière la nuit dans le but de permettre à la mère de passer une bonne nuit. Nous avons besoin cependant de confirmer que les mères et les nourrissons qui dorment ensemble durant la période postnatale immédiate dorment mieux ou non que ceux qui partagent la même pièce mais pas le même lit. La question du sommeil de la mère et du nourrisson est liée à celle de la fatigue de la mère et du nourrisson après des accouchements d’intensité et de niveaux de stress différents. Les données scientifiques sur la fatigue maternelle du postpartum en relation avec la durée du travail sont rares, et les informations sur les effets d’un travail long et pénible sur le premier sommeil de la mère après l’accouchement sont inexistantes (18). Ainsi il n’y a pas de données sur lesquelles baser une évaluation de la sécurité des mères et des bébés qui partagent leur lit après une naissance pénible. Une autre question concerne la satisfaction de la mère. Une récente étude norvégienne a montré que le manque de sommeil et de repos est une source d’insatisfaction pour de nombreuses femmes dans les services de suite de couches (19). Le développement de la confiance de la mère dans sa capacité à s’occuper de son bébé est également un facteur déterminant de satisfaction des mères durant leur séjour en postnatal. En termes de soins à donner, le bedding-in* la première ou seconde nuit après la naissance aurait-il un impact sur l’établissement de l’allaitement ? Même si cela paraît probable, il y a très peu de preuves directes qui montrent que c’est vrai (20). Les effets de contact peau-à-peau et de succion peu de temps après la naissance sont bien connus, mais les recherches sur les méthodes efficaces pour renforcer ces pratiques les jours suivants sont rarement inclues dans les recherches sur le partage du lit. Le contact prolongé peau-à-peau entre une mère et son nourrisson durant la période postnatale immédiate a montré des bénéfices clairs (« soins kangourous »). Pour de nombreux aspects, le partage du lit mère-bébé est une extension de ce contact prolongé durant le séjour à l’hôpital. Malheureusement, la plupart de ces recherches ont été effectuées sur des prématurés, et il n’est pas simple d’évaluer dans quelle mesure ces recherches peuvent être extrapolées à des nourrissons nés à terme. Le contact peau-à-peau a des vertus analgésiques démontrées pour les nouveau-nés, et permet aux nourrissons de se remettre rapidement de la fatigue liée à la naissance (21,22). Cela encourage un allaitement spontané, promeut la poursuite de l’allaitement, contribue à conserver son énergie, tout ceci concourant au bien-être des nouveau-nés (23-25). En plus, les nouveau-nés prématurés semblent dormir plus longtemps, sont moins agités, leurs rythmes cardiaque et respiratoire étant moins instables, et ils bénéficient d’une oxygénation plus table (26). Le contact peau-à-peau est également associé à une augmentation significative du taux maternel d’ocytocine selon deux études suédoises, suggérant que les contractions utérines sont ainsi renforcées et l’éjection de lait facilitée, pour le bénéfice de la mère et du bébé (27,28). De plus, le contact peau-à-peau est également associé à une diminution de l’anxiété maternelle et une participation plus efficace des mères aux soins de leur nouveau-né (29). Tout ceci est encourageant, mais ne constitue pas encore des réponses définitives aux nombreuses questions qui se posent à propos des bébés nés à terme et de leurs premiers jours de vie après la naissance. Comme nous l’avons montré, il y a actuellement peu de preuves solides pour résoudre ce débat. Le partage du lit à le plus souvent été étudié avec des nourrissons de trois mois ou plus (30-32). Dans les études concernant le partage du lit parents-nourrissons à la maison et dans un laboratoire de sommeil, nous avons utilisé la technique de l’enregistrement vidéo à infrarouge pour examiner l’environnement du partage du lit, les modalités du sommeil de la mère, du père, et du nourrisson âgé entre deux à six mois. Ces études, par notre équipe et d’autres dans le monde, montrent que le partage du lit est associé à un sommeil plus long et plus réparateur pour la mère et le nourrisson, et également au succès de l’allaitement (33-35). Les bébés qui dorment avec leur mère tètent plus souvent (et stimule ainsi la production de lait) et pour de plus longues périodes que des bébés allaités ne partageant pas le lit (36). Pour étendre ces études aux premières nuits qui suivent la naissance, nous avons engagé une étude pilote sur le bedding-in* dans les services de suites de couches de la Royal Victoria Infirmary, à Newcastle. Nous avons utilisé des enregistrements vidéo à infrarouge pour examiner les comportements de la mère et du nourrissons durant la première nuit après la naissance. Nous avons observé que certaines mères dorment à peine la première nuit, alors que d’autres, épuisées ou sous l’influence des analgésiques opiacés, dorment profondément. De nombreux bébés apparaissent également épuisés à ce moment. Il est probable que la deuxième nuit est la plus importante pour l’établissement de l’allaitement maternel, donc nous devrons prochainement étudier les deux premières nuits du postpartum. Le bedding-in* est peu probablement idéal pour toutes les mères et leur bébé, mais nous espérons pouvoir donner des informations à partir desquelles des choix informés et des recommandations pourront être faits.
Notes
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Cosleeping = partage de la chambre ou partage du lit (sommeil partagé) Rooming-in = partage de la chambre (chambre partagée) Bedding-in = bedsharing = partage du lit (lit partagé)
Traduction : Nathalie Roques
Martin Ward-Platt est néonatologiste en Angleterre. Il s'intéresse à la physiologie du nourrisson et la psychologie reproductive.
Helen Ball, anthropologue, dirige le laboratoire de sommeil parents-nourrissons à Durham, en Angleterre. Elle étudie le sommeil parents-nourrisson depuis 1995. Elle et son équipe mène actuellement des études sur le co-sleeping des jumeaux et le bedding-in en maternité. Elle a deux filles, âgées de 9 et 5 ans, qui aiment toujours dormir avec leur parent occasionnellement. |