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Dossiers Allaitement

 
Allaitement et partage du lit.
Toujours utile (et important) après toutes ces années
 
James McKenna*
 
Mothering, septembre-octobre 2002

 
Des mères et des bébés qui dorment côte à côte, ou encore le « cosleeping », telle est la façon de dormir pour le nourrisson humain, développée par l’évolution. Jusqu’à une époque très récente et pour tous les êtres humains, cela a constitué une nécessité pour la survie du nourrisson ; pour la majorité des gens aujourd’hui, en dehors des pays industriels occidentaux, cela l’est toujours. Parce que le corps du nourrisson humain continue de n’être adapté qu’au corps de sa mère, le cosleeping accompagné de tétées nocturnes reste cliniquement efficace et potentiellement sauveur de vie.
 
De tous les mammifères, les humains naissent avec la plus faible maturité neurologique (25 % de la taille du cerveau adulte), se développent le plus lentement, et restent dépendants le plus longtemps d’un soutien nutritionnel, social et environnemental, ainsi que pour leurs déplacements. En fait, dans les phases précoces de l’enfance humaine, les soins sociaux sont synonymes de régulation physiologique. C’est-à-dire que porter, transporter, et/ou caresser un nourrisson, émettre des odeurs et respirer dans sa proximité, conduit à une augmentation de la température de son corps, une diminution des pleurs, une plus grande variabilité du rythme cardiaque, moins d’apnées, un niveau de stress moins élevé, un stockage plus important de glucose, et une meilleure croissance journalière (1).
De plus, dans la mesure où le lait humain est relativement peu riche en graisses et protéines et qu’il contient beaucoup de sucre rapidement métabolisé, et où le nourrisson humain est incapable de se déplacer seul, un contact et un portage permanents accompagnés de tétées fréquentes le jour et la nuit, sont nécessaires. Par conséquent, toute les études scientifiques biologiques qui cherchent à définir les modalités du sommeil du nourrisson « normales » et spécifiques de l’être humain, sans considérer le rôle vital du contact nocturne se traduisant par l’allaitement et la proximité maternelle, doivent être considérées comme inadéquates, erronées, et/ou fondamentalement biaisées (2).
 
Cosleeping : l’importance des distinctions taxonomiques
La plupart des controverses qui concernent la question de la sécurité du cosleeping mère-nourrisson mettent en jeu les façons dont les chercheurs définissent et conceptualisent ce terme. Le cosleeping n’est pas, comme le considère la Consumer Product Safety Commission[1] (CPSC), une pratique unique et cohérente. Il serait préférable de le considérer comme un terme générique, une classe particulière d’arrangements du sommeil composée de plusieurs types de pratiques, chacun d’entre eux requérant une description propre et une caractérisation avant que la question de la sécurité et de ses conséquences puissent être comprise.
Un environnement sûr pour pratiquer le cosleeping doit fournir au nourrisson l’opportunité de « sentir » et de répondre aux signaux de la personne qui en est responsable, comme l’odeur de sa mère, les bruits de sa respiration, ses mouvements, les propos qui lui sont adressés, les invitations à téter, les contacts cutanés, et tous les stimuli sensoriels « cachés », intentionnels ou non. De plus, pour être désigné comme « sûr », l’environnement social et physique du cosleeping doit impliquer un responsable volontaire et actif qui choisit de dormir avec le nourrisson pour s’en occuper, le nourrir ou être proche de lui dans le but de le surveiller ou de le protéger.
L’environnement du cosleeping doit également être soigneusement aménagé pour éviter toutes les situations dangereuses révélées par des études épidémiologiques récentes. Ces situations dangereuses incluent le fait de dormir avec un nourrisson sur un canapé, de partager le lit avec une mère fumeuse, et d’installer des jeunes enfants à côté du nourrisson. Les parents ou responsables à la vigilance diminuée par la consommation de drogues ou d’alcool, créent un environnement de cosleeping dangereux. Dormir avec une personne présentant un surpoids sur un matelas mou, ou dormir sur de grands coussins dans un lit avec un de ses  parents, constituent pour le nourrisson d’autres environnements de cosleeping dangereux (5-7).
Alors que toutes les formes de partage de lit sont des exemples de cosleeping, le partage de lit n’est qu’une pratique de cosleeping parmi peut-être des centaines d’autres à travers le monde. Par exemple, certains parents en Amérique latine, aux Philippines, au Vietnam, dorment avec leur nourrisson dans un hamac, ou placent leur nourrisson dans un hamac pour dormir à leurs côtés, quand eux dorment sur des nattes ou des lits. Certains parents installent leur enfant dans un panier d’osier et placent ce panier sur le lit entre les parents. D’autres dorment à côté de leur nourrisson sur des nattes de bambou ou de paille, ou sur des futons (comme au Japon). D’autres encore placent leur nourrisson dans un berceau, à portée de main ; ou font du cosleeping en partageant la même chambre, avec le nourrisson dormant sur une autre surface, comme un berceau ou un moïse placé à côté du lit des parents, toujours à portée de main.
 
Le cosleeping n’a pas perdu son utilité biologique
Bien que les environnements de sommeil pour le nourrisson varient énormément d’une culture à l’autre, les effets potentiellement bénéfiques du contact maternel durant le sommeil sur la régulation physiologique des nourrissons humains, eux, ne varient pas. Un nouveau-né humain peu perdre jusqu’à un degré  de température quand il est enlevé du ventre de sa mère après la naissance, y compris s’il est placé dans un incubateur avec une température ambiante voisine de celle du corps de la mère (8). Richard a trouvé que pour des nourrissons âgés de 11 à 16 semaines, la température moyenne prise sous l’aisselle de ceux qui dormaient seuls était inférieure à celle des nourrissons allaités et partageant le lit de leur mère (9). Thomas et Graham ont découvert que même des nounours en peluche dotés d’une respiration mécanique et placés à côté de nouveau-nés humains sujets à avoir des apnées, diminuaient le nombre d’apnées de 60 %, et de plus incitaient les nourrissons à dormir à leur contact direct (10). De plus, des prématurés et des nouveau-nés nés à terme placés sur la poitrine de leur mère (ou de leur père), en contact peau-à-peau, respirent plus régulièrement, utilisent leur énergie plus efficacement, grossissent plus vite, et connaissent moins de stress (11 – 13).
 
Les observations cliniques dépendent de la façon dont le cosleeping est pratiqué
La manière dont le cosleeping présente un risque ou un bénéfice pour le nourrisson dépend de l’environnement social et physique particulier (circonstances familiales) dans lequel il est pratiqué. C’est pourquoi il n’y a pas une seule variable observée associée avec les formes de cosleeping, particulièrement dans les cultures occidentales, et c’est pourquoi il y a tant de débat autour de la question de savoir si le cosleeping, et particulièrement le partage du lit, est une pratique sure ou non.
Par exemple, dans les sociétés urbaines industrialisées, parmi les familles de classe moyenne et supérieure où l’allaitement et le partage du lit sont pratiqués par des mères non fumeuses, la mortalité infantile, incluant la mortalité par MSN, est faible. La plus récente étude concernant les pratiques de soins aux nourrissons en relation avec les taux de MSN, conduite par le SIDS Global Task Force[2], montre clairement que des taux bas de MSN sont associés avec les taux les plus importants de cosleeping/partage du lit (voir schéma 1).

Durant la dernière rencontre internationale sur la MSN à Auckland, en Nouvelle Zélande, Sankaran et al. ont présenté des données recueillies au Saskatchewan, au Canada, montrant que quand l’allaitement et une forme de cosleeping cohabitaient, les décès par MSN étaient réduits (14). Cette découverte est cohérente avec l’étude effectuée en Afrique du Sud, indiquant que les bébés qui partagent le lit des parents ont un taux de survie supérieur aux bébés qui dorment seuls (15). A Hong Kong, où le cosleeping est la norme, le taux de MSN est l’un des plus bas au monde (16,17). La même chose est vraie au Japon, où non seulement le taux de mortalité infantile par MSN, mais également le taux de mortalité infantile globale, sont parmi les plus bas du monde, selon le rapport 1999 de la Japan SIDS Family Organization[3] (18). De plus, comme le montrent les schémas 2 à 5, durant une période de 4 ans au Japon, alors que le tabagisme maternel a diminué et que l’allaitement, le partage du lit, et le couchage des nourrissons sur le dos ont augmenté, le taux de MSN a diminué – exactement ce que des opposants au partage du lit auraient prédit.

Dans de nombreuses autres cultures asiatiques où le cosleeping est la norme, incluant la Chine, le Vietnam, le Cambodge et la Thaïlande, la MSN est soit inconnue, soit rare (19 – 21). Dans une étude conduite en Australie, une mère immigrée vietnamienne interrogée sur la MSN, dont elle ne connaissait rien, a répondu que « la coutume d’être à côté du bébé doit prévenir ce genre de maladie. Quand vous dormez avec votre bébé, vous dormez toujours légèrement. Vous remarquez si sa respiration change … Les bébés ne devraient pas être laissés seuls ». Une autre mère vietnamienne a ajouté que « les bébés sont trop importants pour être laissés seuls, sans personne pour les surveiller » (22).
Sur 40 femmes chinoises interviewées à l’Hôpital universitaire de Guagzho par la chercheuse Elizabeth Wilson, plus de 66% des nouvelles mères avaient l’intention de faire dormir leur nourrisson avec elle dans le lit conjugal, les autres ayant l’intention de placer leur nourrisson à côté de leur lit. Une de ces mères est tout à fait représentative quand elle assure que le bébé « est trop petit pour dormir seul » et que le cosleeping « rend les bébés heureux » (23).
Au contraire, dans des sous-groupes urbains occidentaux, le cosleeping est associé avec un risque augmenté pour les nourrissons, particulièrement, mais pas exclusivement, quand il se déroule en association avec un tabagisme maternel, la consommation de drogue ou d’alcool, des styles de vie chaotiques, un manque d’éducation et de moyens, le sommeil en position ventrale, et d’autres facteurs dangereux (24). Par exemple, les morts associées au partage du lit (qui souvent et de façon erronée incluent les morts associées au couchage sur un canapé dans la base de donnée du CSP) sont particulièrement élevées parmi les Afro-américains pauvres habitant dans de grandes villes comme Chicago, Cleveland, Washington D.C et St Louis – les quatre villes à partir desquelles les données sont utilisées pour argumenter contre la sécurité de tout cosleeping, sans aucune considération pour les circonstances (25,26). De plus, des études épidémiologiques montrent clairement à travers les cultures que parmi les groupes indigènes économiquement défavorisés, comme les Maori de Nouvelle-Zélande, les Aborigènes d’Australie, les Cree au Canada, les Aleuts en Alaska, le partage du lit et d’autres formes de cosleeping peuvent être associés également à une augmentation du risque pour les nourrissons et augmentent la mortalité infantile (27,28).
Le SIDS Global Task Force tient compte de ces différences dans les observations faites sur le partage de lit d’une façon qui me paraît cohérente avec mon point de vue, en s’intéressant à des facteurs comme le tabagisme parental, la consommation de drogue ou d’alcool, la position sur le ventre sur un matelas mou, les nourrissons dormant seuls sur un lit d’adulte avec des espaces ou des rebords autour du cadre du lit, ou entre le matelas et un mur ou autre, des accessoires de literie dangereux, ou utilisés de façon dangereuse, et des nourrissons dormant à côté de jeunes enfants ou sur un canapé avec des adultes obèses.
Peut-être est-il préférable de conceptualiser les données relatives au partage du lit en terme de continuum risque/bénéfice (voir schéma 6). Par exemple, si les mères décident de dormir avec leur bébé pour s’en occuper ou l’allaiter, et sont informées sur les précautions à prendre pour sa sécurité (par exemple utilisent des matelas fermes, ne couvrent pas leur nourrisson, le placent sur le dos, etc.), on peut s’attendre à ce que le partage du lit soit protecteur, ou réduise le risque de MSN. Mais quand le partage du lit n’est pas choisi comme une stratégie pour s’occuper d’un nourrisson mais plutôt par nécessité parce qu’il n’y a pas d’autre endroit où poser le bébé, et que les mères fument, prennent des drogues et ne placent pas un adulte entre le nourrisson et un jeune enfant qui partagent le même lit, une augmentation du risque de MSN ou d’asphyxie peut être prédit.

 
Le sommeil solitaire des nourrissons : une nouveauté historique
Les émotions, élaborées par la sélection naturelle et contrôlées par le système limbique de notre cerveau, motivent les nourrissons et les enfants à protester contre leur séparation des parents durant le sommeil par des pleurs. Ces émotions se sont sans aucun doute possible développées pour modifier une situation qui durant toute notre évolution a présenté un risque pour le nourrisson : être séparé de l’adulte qui en prend soin (29).
Ces dernières années, les stratégies occidentales de puériculture ont favorisé l’autonomie précoce. Les professionnels de santé apprennent aux parents qu’ils devraient conditionner leur nourrisson à dormir seul durant toute la nuit, avec des interventions parentales minimales, y compris en ce qui concerne les tétées (selon certains donneurs de conseils, moins il y a de tétées, mieux c’est) (30,31). Les parents sont encouragés par certains professionnels de santé à  « entraîner » leur nourrisson à « s’apaiser seuls pour retrouver le sommeil ». Les personnes qui donnent des conseils sur le sommeil des nourrissons disent que le nourrisson ne devrait pas être autorisé à s’endormir au sein ou dans les bras de sa mère, même si c’est le contexte dans lequel l’endormissement des nourrissons a évolué. Comme beaucoup de parents l’attestent, ce conseil peut s’avérer extrêmement problématique.
La peur exagérée de suffocation de l’enfant pendant le cosleeping provient pour une part de l’histoire culturelle occidentale. Au cours des 500 dernières années, de nombreuses femmes économiquement défavorisées et habitant à Paris, Bruxelles, Munich et Londres (pour nommer quelques localités) ont confessé aux prêtres catholiques avoir tué leur nourrisson en l’étouffant de leur corps, de façon à contrôler la taille de leur famille. Les prêtres ont menacé d’excommunication, d’emprisonnement, d’amendes – et ont interdit les nourrissons de lit parental (32,33).
L’héritage de ce contexte historique particulier au monde occidental converge probablement avec d’autres changements de coutumes et de mœurs (l’accent mis sur l’intimité, le fait de ne compter que sur soi et l’individualisme), qui ont donné des fondations philosophiques à certaines croyances culturelles et poussé à chercher (ou à établir) des dangers associés au cosleeping au lieu de se pencher sur ses bénéfices. La prolifération à travers l’Europe de l’idée de l’amour romantique, associée avec la conviction de l’importance de la relation mari/femme, a également participé à la promotion d’espaces de sommeil séparés. Cette séparation physique, essentiellement entre le père et son enfant,  a également été perçue comme favorisant la possibilité pour le père de dispenser une formation religieuse et de jouer de son autorité morale.
 
Les arrangements de cosleeping et de sommeil solitaire : effets sur les enfants
Comme je l’ai déjà noté ailleurs, les premières études publiées sur des personnes qui dorment avec leur nourrissons contredisent les présupposés occidentaux selon lesquels le cosleeping a des résultats sociaux, psychologiques, émotionnels négatifs (34-36). Une étude transversale récente d’enfants issus de la classe moyenne anglaise a montré que les enfants qui n’ont jamais dormi dans le lit de leurs parents étaient plus susceptibles d’être considérés par leurs parents et leurs enseignants comme « plus difficiles à contrôler » et « moins heureux » et manifestant un plus grand nombre d’accès de colère. Les enfants qui n’avaient jamais été autorisés à partager un lit étaient également plus timorés que ceux ayant dormi dans le lit de leurs parents (37).
D’autres recherches montrent des avantages supplémentaires au cosleeping par rapport au sommeil solitaire. Une étude sur des étudiants a montré que les garçons qui avaient dormi avec leurs parents entre la naissance et cinq ans avaient une estime de soi significativement plus grande, ressentaient moins d’anxiété et de culpabilité, et avaient plus de relations sexuelles. Les garçons qui avaient pratiqué le cosleeping entre 6 ans et 11 ans avaient également une estime de soi plus importante. Pour les femmes, le cosleeping durant l’enfance était associé avec moins de gêne concernant les contacts physiques et marques d’affection une fois devenues adulte (38). Une autre étude montre que les femmes qui ont pratiqué le cosleeping comme enfant ont plus d’estime de soi que celles qui ne l’ont pas pratiqué (39). En fait, le cosleeping apparaît comme renforçant la confiance, l’estime de soi et l’intimité, probablement comme reflet d’une attitude tolérante des parents (voir schémas 7 et 8).

Une étude sur 86 nourrissons sur des bases militaires a révélé que les enfants pratiquant le cosleeping avaient de meilleures évaluations comportementales de leurs enseignants que les enfants dormant seuls, et qu’ils étaient sous-représentés dans la population ayant recours à des soins psychiatriques, comparés aux enfants n’ayant pas pratiqués le cosleeping. Les auteurs déclarent :
« Contrairement à nos attentes, les enfants qui n’ont pas requis d’attention de la part de professionnels concernant des problèmes de comportements ou affectifs, pratiquent plus le cosleeping que ne le font les enfants connus pour avoir eu besoin d’interventions psychiatriques et avoir été évalués par leurs parents comme ayant une moins bonne adaptation fonctionnelle. La même conclusion a été trouvée pour un échantillon de garçons que l’on pourrait considérer comme des visiteurs oedipiens (c’est-à-dire des garçons âgés de trois ans et plus qui dorment avec leur mère en l’absence du père) – une conclusion qui s’oppose directement à la pensée psychoanalytique traditionnelle. »
 
L’étude la plus importante et probablement la plus systématique à ce jour, qui a concerné plus de 1400 sujets de cinq groupes ethniques de Chicago et New York, a recensé plus de résultats positifs que de résultats négatifs pour les individus qui avaient pratiqué le cosleeping étant enfant. Les résultats étaient pratiquement les mêmes quel que soit le groupe ethnique (Afro-américains et Portoricains à New York ; Portoricains, Dominicains et Mexicains à Chicago). Une conclusion particulièrement solide qui se retrouvait dans tous les groupes ethniques, était que les cosleepers avaient un sentiment de satisfaction dans la vie plus grand (41).
 
Etudes physiologiques de dyades mère-bébé
Une étude menée à la faculté de médecine Irvine de l’université de Californie a quantifié les différences dans la physiologie et le comportement de sommeil de 70 mères et nourrissons hispaniques. Des enregistrements polysonographiques de plus de 200 séances de huit heures ont été effectués avec les mères et leur nourrisson partageant le même lit, ou dormant dans deux chambres adjacentes, durant trois nuits successives. Nous avons particulièrement comparé la façon dont les environnements de sommeil solitaire et de partage du lit affectaient deux types de dyades mère-bébé : celles qui partageaient le même lit de façon habituelle à la maison et celles qui dormaient habituellement de façon séparée.
Dans un ordre désigné par le hasard, chaque dyade mère-nourrisson passaient deux nuits dans les conditions de leur environnement familier habituel (à la maison) et une nuit dans des conditions non familières ; c’est-à-dire que les dyades qui dormaient habituellement dans le même lit, dormaient à part dans des chambres différentes, et les habituées du sommeil solitaire dormaient dans le même lit. Toutes les mères et tous les bébés étaient en bonne santé et presqu’ exclusivement allaités. L’âge des nourrissons était compris entre 11 et 15 semaines (tranche d’âge pour laquelle le risque de MSN est le plus élevé).
Nous avons trouvé que le partage du lit doublait le nombre de tétées nocturnes et triplait la durée totale de l’allaitement (voir schéma 9 et 10). Le partage du lit était également corrélé à un plus faible intervalle entre les tétées. Parmi les 70 mères qui allaitaient presque exclusivement, nous avons trouvé que la durée moyenne séparant deux tétées était à peu près d’une heure et demi pour la nuit passée dans le même lit que le nourrisson – la durée approximative d’un cycle de sommeil de la mère (adulte). C’est-à-dire que les besoins nutritionnels des nourrissons durant la nuit et le cycle de nutrition pendant le cosleeping sont corrélés à la durée générale de cycle ultradien (sous-cycle de sommeil) de sommeil (90-120 minutes) pour l’adulte humain – une corrélation jamais trouvée ni proposée auparavant. Pendant la nuit passée dans des chambres séparées (mais toujours à portée d’oreille), l’intervalle entre les tétées était au moins deux fois plus long (42).

La position sur le dos est la position universelle pour les nourrissons, et s’est développée spécifiquement pour faciliter et rendre les tétées nocturnes possible. En fait, nos études révèlent qu’en l’absence d’instructions, les mères qui dorment habituellement avec leur bébé placent pratiquement toujours leur nourrisson sur le dos, position favorable à sa sécurité, probablement parce qu’il est difficile, sinon impossible, d’allaiter un nourrisson couché sur le ventre. D’après nos études par vidéo infrarouge de mères dormant avec leur bébé, il apparaît que le sommeil sur le dos des nourrisson optimise les capacités des nourrissons à contrôler leur microenvironnement, et tout particulièrement d’initier des tétées (43, 44). En plus de permettre au nourrisson de s’avancer ou de se reculer du sein, le sommeil sur le dos lui permet de rejeter des couvertures qui couvriraient sa tête, de se tourner vers ou de se détourner de sa mère, de toucher son visage, d’essuyer son nez, et, sans grand effort, de sucer ses poings ou ses doigts, et de faire ainsi des bruits qui réveillent sa mère, qui le plus souvent allaite alors son enfant (voir schéma 10).
Nos études suggèrent également que les nourrissons dormant sur le dos dans un contexte d’allaitement et de partage du lit, optimisent leurs possibilités de détecter et de répondre de façon synchrone aux mouvements de la mère, aux sons qu’elle émet ainsi qu’à ses stimulations tactiles, et vice versa (45-47). La position sur le dos du nourrisson facilite une communication constante entre le nourrisson et sa mère, conduisant ainsi à un attachement et une confiance mutuels (prérequis pour un développement en bonne santé des nourrissons) ; de plus, cela peut stimuler le nourrisson, par des stimuli olfactifs, à vouloir téter plus fréquemment, et ainsi concourir à la suppression de l’ovulation de sa mère. Ce modèle constitue une autre raison de considérer la relation mère-nourrisson non pas seulement en termes de façon pour la mère de réguler son nourrisson, mais plutôt de manière pour la mère et son nourrisson à réguler mutuellement la physiologie de l’autre, y compris le statut reproductif de la mère.

Suite


[1] Commission pour la sécurité des produits et des consommateurs
[2] Groupe de travail global sur la MSN
[3] Organisation familiale japonaise sur la MSN