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Tétées nocturnes : dormir ou non avec son bébé ?Nathalie Roques Les Dossiers de l'Allaitement, 2003.
Les animatrices d’associations de soutien à l’allaitement maternel le savent bien : la question des tétées nocturnes revient souvent chez les mères qui allaitent. Celles-ci se demandent s’il est normal qu’un bébé tète encore la nuit (à 3 mois, à 6 mois, à 12 mois, …), comment elles peuvent concilier cette demande avec leur vie familiale et professionnelle, ou comment sevrer leur bébé du sein la nuit.
Toutes ces questions font écho à d’autres interrogations sur les liens qui peuvent exister entre plusieurs arrangements de sommeil (sommeil solitaire, sommeil partagé) d’une part, et les réveils nocturnes, d’autre part, avec le mode d’alimentation des nourrissons. Pour finalement, et c’est sans doute le plus important pour les acteurs de la promotion de l’allaitement maternel, tenter de définir les comportements nocturnes à encourager dans le but de favoriser l’allaitement maternel.
Pour répondre à ces questions, plusieurs niveaux d’observation sont possibles et complémentaires : une observation interculturelle, qui replace la situation française dans un contexte humain plus large ; des observations concernant des populations occidentales et reposant sur des études statistiques ; enfin une observation des comportements individuels, avec notamment un regard sur la physiologie humaine.
Regard interculturelAu niveau des sociétés humaines, il est assez simple de démontrer que les tétées nocturnes ont été de tout temps favorisées par une grande proximité entre la mère et son bébé. La mère qui allaite dort avec son bébé et cet arrangement est très certainement présenté comme un comportement normal par l’ensemble de la société. C’était le cas dans les pays européens il y a peu de temps encore, comme en témoignent les lit-estrade, lit-clos et autres systèmes de couchage utilisés pour se protéger du froid (1). Des études ont montré qu’en dehors des pays occidentaux, les tétées nocturnes sont de nos jours fréquentes, y compris après six mois, et que les mères donnent le sein très facilement puisque leur enfant dort à leurs côtés. Par exemple, le nombre moyen de tétées nocturnes pour des bébés âgés entre 6 et 12 mois au Ghana (Afrique) est de 4 (2). Les mères algériennes endorment leur bébé en leur donnant le sein (3). La mère africaine est chez nous l’icône vivante du maternage proximal avec tétées très fréquentes (voir l’exemple des Kung d’Afrique australe) y compris, et peut-être même surtout, la nuit (4). Mais l’Afrique n’est pas la seule partie du monde concernée par une telle pratique : Nelson a ainsi montré que la proximité mère-bébé (celui-ci ayant trois mois au cours de cette étude) était très répandue (5), et la littérature ethnographique regorge d’illustrations abondant dans ce sens[1] (6).
Cas particulier de la FranceEn France l’allaitement au-delà des premiers mois est quasiment inexistant. Notre pays se caractérise également par une valorisation de l’autonomisation des enfants, et le sommeil solitaire est une norme éducative largement partagée par les experts de la petite enfance. Les mères françaises attendent donc de leur bébé qu’il « fasse ses nuits » à un âge déterminé (souvent 2-3 mois), ou à un stade précis de son développement (le critère de choix étant alors le poids de l’enfant, ici 5 kg) (7). Avant ce moment, il est admis que le bébé qui le réclame a besoin d’être nourri la nuit. Mais cet espoir de nuits ininterrompues est souvent déçu, car il arrive fréquemment que les nourrissons réveillent encore leurs parents passé ces délais. Les difficultés à l’endormissement et les réveils nocturnes sont en effet une réalité partagée par de nombreuses familles, comme le montre des études menées en Occident (8 ,9). Elles posent plusieurs questions.
Allaitement et réveils nocturnesTout d’abord, l’allaitement au sein est-il plus étroitement associé aux réveils nocturnes que son concurrent artificiel ? Les études montrent qu’effectivement, les bébés allaités sont plus souvent identifiés comme de mauvais dormeurs que ceux nourris au biberon. Ainsi au Québec, les nourrissons de 5 mois qui n’ont jamais été allaités sont 12,5% à ne pas faire leur nuit, alors qu’ils sont 32% à se réveiller la nuit quand ils ont été allaités au moins 4 mois (10). C’est également un résultat retrouvé en France où l’allaitement maternel est associé aux réveils nocturnes très fréquents (plus de 9 par semaines) dans 74% des cas (11). D’une façon plus générale, on peut tout simplement constater que les nourrissons allaités tètent la nuit, et que cela est souvent l’occasion de réveils pour les parents, surtout quand le bébé ne dort pas dans leur lit. En Suède, une étude montre que les nourrissons de moins de six mois exclusivement allaités tètent au moins une fois par nuit (12). Une méthode d’apprentissage destinée aux bébés allaités a été mise au point par une équipe américaine avec comme objectif que ces nourrissons arrivent à dormir sans se réveiller de 24h à 6h. Trois semaine après la niassance, les mères sont invitées à proposer à leur bébé une tétée focale, entre 22h et 24h, et à espacer les tétées entre 24h et 6h en diminuant les interactions mère-nourrisson. A 8 semaines, 100% des nourrissons du groupe traitement ne se réveillent plus entre 24h et 6h, contre 23% des nourrissons du groupe contrôle. La quantité totale de lait maternel ingérée est la même pour tous les bébés, ceux qui « font leur nuit » se rattrapant dès le matin en augmentant la fréquence des tétées (13). Les résultats montrent cependant que les parents ne mettent pas toujours le programme a exécution (14): c’est sans doute là l’un des défauts majeurs de toutes les méthodes comportementales qui ne recueillent pas toujours l’adhésion des parents. Mais surtout, l’impact sur l’allaitement maternel à moyen et long terme n’a pas été évalué.
Allaitement et sommeil partagéUne autre question se pose : les bébés allaités dorment-ils plus souvent avec leur mère que ceux nourris au biberon ? Les études occidentales générales menées sur la pratique du sommeil partagé donnent des résultats très hétérogènes, cette hétérogénéité étant explicable en partie par les divers critères retenus pour définir le bed-sharing[2] ou le co-sleeping[3]. Elles montrent tout de même qu’il y a une association entre partage d’un même lit et allaitement maternel. Ainsi, une étude menée en Angleterre montre une association entre le partage du lit les quinze jours précédent l’entretien et l’allaitement maternel exclusif à la sortie de la maternité d’une part, et une plus longue durée de l’allaitement d’autre part (15). Toujours en Angleterre, l’équipe d’Hélène Ball, anthropologue spécialisée dans l’étude du sommeil partagé, a interrogé des parents sur leurs pratiques de sommeil avec leur bébé[4] (tableau 1) (16).
Tableau 1 : nombre et pourcentage de nourrissons selon leur mode d’alimentation et les pratiques de sommeil familiales
Il ressort clairement de cette étude que l’allaitement maternel et le partage du lit sont associés. Une question importante ici est de savoir qu’elle est l’influence de l’arrangement nocturne sur l’allaitement maternel, c’est-à-dire de définir le lien de cause à effet entre ces deux comportements. Une étude menée par James Mc Kenna sur un échantillon de couples mère-bébé aux Etats-Unis a montré que les mères qui dormaient avec leur bébé âgé de 3 à 4 mois donnaient plus souvent et plus longtemps le sein que celles qui ne dormaient pas avec lui (tableau 2) (17).
Tableau 2 : Nombre de tétées nocturnes et durée totale des épisodes de tétée (en minutes) selon les habitudes familiales et les conditions expérimentales.
D’après ces chiffres il ressort que le partage du lit a comme conséquence de favoriser l’allaitement maternel. Quelques observations laissent penser que dans les sociétés où l’allaitement maternel est peu à peu abandonné (c’est-à-dire qu’une minorité d’enfant est allaité au sein plus de six mois), la pratique du sommeil partagé est abandonné dans un second temps. Ainsi, il existe des endroits dans le monde où les mères n’allaitent plus, mais où elles dorment encore souvent avec leur bébé : c’est par exemple le cas à Hong Kong (18). Les mères afro-américaines, qui allaitent moins que les mères caucasiennes américaines, dorment plus volontiers que ces dernières avec leur nourrisson ; c’est également vrai des mères d’origine hispanique (tableau 3) (19).
Tableau 3 : Partage du lit et allaitement maternel en fonction de l’origine ethnique des femmes américaines.
Par contre, il n’existe pas à ma connaissance de société où l’allaitement est habituel (c’est-à-dire qu’une majorité de nourrisson tète plus de douze mois) et où le sommeil solitaire soit la norme (c’est-à-dire que le nourrisson n’est pas le bienvenu à proximité de sa mère). La tendance semble s’inverser quand l’allaitement remonte la pente : le sommeil partagé referait surface, après une augmentation des taux et des durée d’allaitement. Cela a été le cas de la Norvège, où le taux de nourrissons dormant avec leur parent est passé de 10% au début des années 90, à 30% dans la seconde moitié de cette décennie (21). C’est probablement ce que vivent les Etats-Unis aujourd’hui, avec une tendance dans certaines couches de la société à revenir vers des pratiques de sommeil partagé (22). Au Royaume-Uni, la question du bed-sharing a également fait récemment l’objet de recommandations (voir plus loin), preuve indirecte que la promotion de l’allaitement maternel s’accompagne d’une augmentation de la pratique du sommeil partagé.
Discours médical occidental sur la proximité mère-bébéLes tétées nocturnes qui se dérouleraient dans le lit des parents ne sont l’objet que d’un maigre discours scientifique chez nous. Et quand il existe, il est puissamment dominé par des peurs officielles, et d’autres sans doute moins faciles à dévoiler. Des fantômes rodent autour des petits bébés, que les médecins sont convaincus de sauver en les séparant de leur mère. Il s’agit notamment du risque pour le nourrisson de décéder de la Mort Subite du Nourrisson (MSN), ou de périr étouffé sous le corps de sa mère. Les observations de tels décès sont souvent incomplètes, des facteurs de risque sont négligés, et les mises en reliefs de tel ou tel facteur de risque ne correspondent pas toujours à la réalité des études scientifiques. Si le risque de MSN semble augmenté en cas de partage du lit et de tabagisme des parents, des résultats divergents concernent la seule association lit partagé et MSN (5, 21, 23, 24, 25). En France, Jean Messer et Hélène Stork préconisent de faire dormir le bébé dans la chambre des parents (26). L’allaitement maternel semble être un facteur protecteur vis-à-vis de la MSN (27). Des règles de sécurité peuvent être proposées aux familles selon l’arrangement nocturne choisi (tableau 4).
Tableau 4 : Risques et prévention pour le couchage des nourrissons (0 – 1 an) vis-à-vis de la MSN , de l’asphyxie par écrasement et autres accidents
Il est probable que le lit partagé occasionnel, notamment quand il n’est pas prévu par les parents (cas typique d’une mère qui s’endort involontairement avec son bébé au sein), soit potentiellement plus dangereux que le lit partagé habituel, où la sécurité du bébé a été l’objet de l’attention des parents. Les psychologues ont également joué un rôle décisif, en donnant à la proximité corporelle nocturne parents-enfants les couleurs de la perversion, allant jusqu’à mettre en garde contre d’éventuels actes incestueux. Egalement la trop forte dépendance de l’un pour l’autre (mère et bébé s’échangeant dans cette danse) effraie de nombreux professionnels de la petite enfance. Ils craignent que cette proximité ne mette en péril le développement de l’enfant et l’indépendance des parents, sans redouter aucunement de contredire l’expérience vécue par les être humains depuis des millénaires et sans autres preuves que quelques descriptions de cas cliniques isolés.
Proximité nocturne : réalité, avantagesEn fait, pour avoir une description du déroulement des tétées nocturnes, des interactions mère-bébé et des avantages du sommeil partagé, c’est auprès des mères que les meilleures informations sont récoltées. N’importe qu’elle mère qui aura allaité son nourrisson quelques semaines, aura remarqué que ce dernier développe très rapidement la capacité de s’apaiser au sein, et plus particulièrement de s’endormir en tétant. Pour celles dont l’allaitement a dépassé les premiers mois et qui ont répondu sans restriction à la demande de leur bébé en lui donnant souvent le sein, ce geste sera fréquemment devenu le passage habituel pour le bébé de l’état de veille à celui de sommeil. En dehors de cette capacité, on pourra noter que le bébé qui dort auprès de sa mère saura très rapidement, souvent avant la fin du premier mois, se diriger vers le sein sans avoir besoin de le voir, ni même de se réveiller complètement. De son côté, la mère développe facilement la faculté de donner le sein dans un demi-sommeil. De rares observations en laboratoire de bébés dormant avec leur mère apportent des indications sur les interactions fines entre la mère et son bébé, comme leurs dispositions spatiales relatives et leurs modifications, le plus souvent durant des épisodes de sommeil (25). Egalement, les réveils simultanés plus fréquents suggèrent que la mère et son bébé se synchronisent quand ils dorment à proximité l’un de l’autre (28). On peut certainement parler là d’un apprentissage et d’une adaptation des partenaires en constante évolution[6]. On sait bien aujourd’hui qu’une fréquence importante des tétées et que la proximité mère-bébé sont les bases même de l’établissement d’une lactation optimale, comme de très nombreuses études l’ont montré (29). Des tétées nocturnes facilitées peuvent également avoir une influence positive quand certaines difficultés d’allaitement se présentent. Dans tous les cas où une fréquence augmentée des tétées paraît souhaitable, comme par exemple lors d’une prise de poids non satisfaisante ou en cas de mastite, le partage du lit peut être proposé à la mère. Les grèves de tétées prennent souvent fin lors des périodes de sommeil de l’enfant. Les tétées nocturnes pour des nourrissons aux besoins intenses, pour des jumeaux, ne peuvent se dérouler de façon satisfaisante pour la mère que si la proximité est maximale. N’oublions pas que les tétées nocturnes sont également indispensables pour que l’effet contraceptif dû à l’allaitement (la MAMA) soit complet. Les tétées nocturnes peuvent s’avérer très utiles quand la fréquence des tétées diurnes diminue, notamment en cas de séparation mère-bébé (reprise d’une activité professionnelle par exemple) : il s’agit là d’un véritable gisement inexploité car inconnu, qui permettrait certainement à de très nombreuses mères de poursuivre leur allaitement au-delà du congé de maternité. Les mères qui dorment avec leur bébé pour les allaiter apprécient entre autres le fait de pouvoir se reposer, et d’être moins fatiguées que dans les cas où elles doivent se lever pour allaiter un nourrisson complètement réveillé, et donc plus difficile à rendormir, pour avoir déjà pleuré un certain temps. L’effet relaxant sur la mère des hormones de l’allaitement, l’ocytocine et la prolactine, facilite très certainement le rendormissement au cours des tétées nocturnes. On voit là que les tétées nocturnes qui se déroulent dans la proximité la plus complète sont un dispositif comportemental humain des plus intéressants, car très économique (très peu d’énergie dépensée chez la mère comme chez l’enfant). La capacité des petits primates (dont l’homme fait partie) à téter endormis est probablement une nécessité vitale. Il s’agit d’un comportement largement non-conscient, cette caractéristique expliquant sans doute qu’il soit solidement implanté, et qu’il soit assez facile de faire téter un bébé endormi, y compris après plusieurs semaines d’absence de ce comportement[7].
Promouvoir l’allaitement maternelLa conclusion générale qui se dégage de toutes ces observations est double :
Au niveau pratique cela a trois conséquences :
Il est finalement nécessaire pour tous les intervenants qui souhaitent accompagner et soutenir les mères qui allaitent de développer un discours clair sur la question du sommeil des jeunes enfants. Toutes les mères enceintes ou qui allaitent, quel que soit le projet qu’elles ont en ce qui concerne l’arrangement nocturne familial, ont le droit de recevoir des informations sur les différentes options pratiques possibles incluant le partage de lit, avec à chaque fois le soucis d’établir une sécurité maximale pour le nourrisson. C’est ce qu’a fait le comité britannique pour l’UNICEF, à l’occasion de sa campagne de promotion de l’allaitement maternel et de la mise en place de l’IHAB[8] depuis 1992. Un document a tout d’abord été édité à l’attention des professionnels de santé sur le partage du lit, puis un dépliant a été mis à disposition des parents (30), document qui indique les règles de sécurité quand l’enfant dort avec sa mère.
Accompagner les mères qui allaitentAccompagner une mère qui allaite son bébé ne peut s’envisager sans évoquer le tiers de son temps consacré au sommeil. Elle a un besoin impérieux de dormir, besoin qui doit s’articuler à sa responsabilité et son rôle de mère. Dans notre contexte, où les mères qui dorment parfois avec leur bébé se perçoivent comme des mères qui ne font pas ce qui est attendu d’elles, la question devra être abordée avec prudence. Comme la plupart du temps, le meilleur soutien viendra d’un entourage féminin expérimenté, par exemple de mères regroupées dans une association de soutien à l’allaitement. Les conseils pratiques peuvent se centrer sur les besoins de la mère : son besoin de repos doit être reconnu, tout comme son besoin d’assurer le développement et le bien-être de son bébé. Souvent, évoquer avec elles plusieurs solutions qui ont pu montrer des avantages différents, lui permettra de trouver elle-même des arrangements adaptés à sa propre situation. Ainsi le bébé peut dormir dans le lit des parents, dormir dans un berceau ou un petit lit ou sur un matelas contre le lit de ses parents. Si le père ne souhaite pas partager le lit avec son bébé, celui-ci peut par exemple dormir sur un matelas où sa mère le rejoindra au premier réveil. Mais certains pères apprécient tout particulièrement ce moment d’intimité avec leur bébé, qui leur permet de compenser le fait qu’ils n’allaitent pas, et qu’ils sont souvent absents la journée (31). Le bébé peut n’être amené que lors de son premier réveil dans le lit des parents, ou au contraire, être endormi dans ce lit puis amener dans son propre dispositif de couchage une fois endormi. De très nombreuses possibilités peuvent s’associer et se succéder, la ligne de base étant de favoriser les tétées nocturnes, le sommeil de la famille et de ne pas chercher dans un but éducatif à faire dormir son enfant seul. Dans tous ces cas, allant du bed-sharing permanent au partage occasionnel d’un même espace, des règles de sécurité doivent être indiquées aux parents.
Les difficultés rencontrées ne doivent pas être sous-estimées, car l’entourage, souvent hostile, en exacerbe les manifestations et les conséquences (famille, amis, professionnels, peu nombreux sont ceux qui soutiendront les parents sur ce chemin). Les parents ont donc besoin de s’appuyer sur un réseau de personnes choisies pour leur bienveillance. Les difficultés de sommeil sont moins fréquentes qu’en cas de sommeil solitaire, mais ne sont pas complètement absentes, comme le montre l’étude interculturelle menée par Hélène Stork (32). Il y aura toujours des moments plus difficiles que d’autres, avec par exemple des endormissements peut-être plus longs, des demandes de tétées jugées trop fréquentes, un sentiment d’échec global vis-à-vis du bébé, d’un ou des deux parents. Ces sentiments ou situations se retrouvent de façon habituelle dans de nombreuses familles ; ce sont alors toujours les comportements les moins acceptés, les plus sujets à être dépréciés qui sont accusés : le sommeil partagé est très fréquemment désigné comme coupable et remis en question, de la même façon que les allaitements dits prolongés. Dans certains cas, des méthodes classiques d’habituation (apprentissage de la solitude) peuvent se montrer utiles si les parents en sont demandeurs. S’il est souhaité, le sevrage nocturne est plus facile quand le père joue un rôle actif et s’occupe de son enfant pendant plusieurs nuits. Comme le sommeil partagé est étroitement associé à l’allaitement, il prendra souvent fin au moment du sevrage quand celui-ci est en grande partie sous le contrôle de l’enfant. Chez nous les allaitements sont le plus souvent de courtes durées, il arrive donc que des jeunes enfants continuent de dormir avec un adulte au-delà du sevrage. Le sommeil partagé n’a pas à souffrir, comme l’allaitement maternel, de la présence envahissante d’un concurrent artificiel. Le biberon, très facilement accepté par le nouveau-né, constitue une interférence majeure pour l’allaitement au sein. Par contre le nourrisson souvent séparé de sa mère la nuit, par exemple quand son berceau est placé à l’écart de la chambre des parents, gardera longtemps la capacité de l’appeler pour rétablir une plus grande proximité. Encourager et faciliter les tétées nocturnes est certainement une chance à saisir pour favoriser simplement et efficacement l’allaitement maternel.
Références : (1) : Dibie P., Ethnologie de la chambre à coucher, éditions Métailié, 2000 (2) : Lartey A. et al, “A randomized, community-based trial of the effects of improved, centrally processed complementary foods on growth and micronutrient status of Ghanaian infants from 6 to 12 mo of age” Am J Clin Nutr, 1999, 70 : 391-404 (3) : Bouabdallah Z, “Le sein pour apaiser et endormir en Algérie”, dans Rituels du coucher, sous la direction d’H. Stork, collection La Vie et l’Enfance, éditions ESF, 1989 (4) : Erny P., Les premiers pas dans la vie de l’enfant d’Afrique noire, éditions L’Harmattan, 1999 (5) : Nelson EA et al, “Internationl child care practices study : infant sleeping environment” Early Hum Dev 2001 May;62(1):43-55 (6) : Nelson EA et al, “Child care practices in nonindustrialized societies”, Pediatrics, 2000, 105 (6) : e75 (7) : Challamel M-J. et al, Mon enfant dort mal, éditions Retz-Pocket, 1993 (8) : Sadler S, “Sleep : what is normal at six months ?” Prof Care Mother Child 1994 Aug-Sep;4(6):166-7 (9) : Anders TF et al, “Sleeping through the night : a developmental perspective”, Pediatrics 1992 Oct;90(4):554-60 (10) : Etude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ 1998-2002). Les nourrissons de 5 mois. L’alimentation du nourrisson. Collection “La santé et le bien-être” Institut de la statistique du Québec. Volume 1, n°5. Mai 2000, Texte complet sur internet : www.stat.gouv.qc.ca/publications/sante/pdf/bebe_no5-2.pdf (11) : Frachon L., Le sommeil de l’enfant de 6 à 36 mois : enquête à Lyon-Saint Etienne et Barcelone, thèse de médecine de l’Université de Saint Etienne soutenue en 1999 (12) : Hörnell A. et al, “Breastfeeding patterns in exclusively breastfed infants : a longitudinal prospective study in Uppsala, Sweden”, Acta Pediatri, 1999, 88:203-11 (13) : Pinilla T. et al, “Help me make it through the night : behavorial entrainment of breast-fed infant’s sleep patterns”, Pediatrics, 1993 ; 91 (2) : 436-444 (14) : St James Roberts I.et al, “Use of a behavioural programme in the first 3 months to prevent infant crying and sleeping problems”, J. Paediatr. Child Health, 2001 ; 37 : 289-297 (15) : Clements MS et al, “Influences on breastfeeding in southeast England”, Acta Paediatr 1997 Jan;86(1):51-6 (16) : Hooker E. et al, “Sleeping like a baby : attitudes and experiences of bedsharing in northeast england” , Med Anthropol., 2001 ; 19 : 203-222 (17) : McKenna J.J. et al, “Bedsharing promotes breastfeeding”, Pediatrics. 1997 Aug;100(2):214-9 (18) Nelson EA. et al, “Child care practices and cot death in Hong Kong”, N Z Med J 1996 Apr 26;109(1020):144-6 (19) : Klonoff-Cohen H. et al, “Bed sharing and the sudden infant death syndrome”, BMJ 1995 Nov 11;311(7015):1269-72 (20) : Breastfeeding. Blueprint for action on breastfeeding, US Department of Health and Human Services (HSS), 2000, www.4woman.gov/Breastfeeding/blueprint.htm (21) Arnestad M. et al, “Changes in the epidemiological pattern of sudden infant death syndrome in southeast Norway, 1984-1998 : implications for future prevention and research”, Arch Dis Child 2001 Aug;85(2):108-15 (22) : Anderson J. “Co-sleeping : can we ever put the issue to rest ?” Contemporary Pediatrics, june 2000 (23) : Task Force of infant Position and Sudden Infant Death Syndrome, “Does bed sharing affect the risk of SIDS ?” Pediatrics, 2000 Mar;105(3):650-6 (24) : Gessner B. D. et al, “Association between Sudden Infant Death Syndrome and prone sleep position, bed sharing and sleeping outside an infant crib in Alaska” Pediatrics,2001,108 (4):923-927 (25) : McKenna JJ. et al, “Sleep and arousal patterns of co-sleeping human mother/infant pairs : a preliminary physiological study with implications for the study of sudden infant death syndrome (SIDS)” Am J Phys Anthropol, 1990 Nov;83(3):331-47 (26) : Messer J. et al, “Pratiques de puériculture et mort subite du nourrisson : un éclairage transculturel” Arch Pédiatr, 1997 ; 4 : 3-7 (27) : Alm B. et al, “Breastfeeding and the sudden infant death syndrome in Scandinavia, 1992-95” Arch Dis Child, 2002 ; 86 : 400-2 (28) Mosko S et al, “infant arousals during mother-infant bed sharing : implications for infant sleep and sudden infant death syndrome research”, Pediatrics, 1997, 100 (5) : 841-849 (29) : Données scientifiques relatives aux Dix conditions pour le succés de l’allaitement, WHO/CHD/98.9, Organisation Mondiale de la Santé, 1999 (30) : www.babyfriendly.uk.org (31) : Ball H. L.et al, “Parents-infant co-sleeping : father’s roles and perspectives”, Inf. Child Dev. 2000 ; 9 : 67-74 (32) : Stork H. et al, “Le sommeil du jeune enfant et ses troubles. Une étude clinique comparative entre trois cultures (Chine/Taïwan ; France ; Japon) ”, Neuropsychiatr Enfance Adolesc, 2000 ; 48 : 70 - 9
De nombreux témoignages et un dossier complet sur les tétées nocturnes dans Allaiter Aujourd’hui, janvier 2001, n°46, La Leche League.
Plus d’informations sur le sommeil partagé dans Dormir avec son enfant, de Nathalie Roques, à paraître aux éditions de L’Harmattan.
[1] Les dispositifs de couchage semblent être essentiellement utilisés la journée. [2] Partage du lit [3] Sommeil partagé. [4] Age moyen des bébés concernés : 10 semaines [5] Pratiquant le co-sleeping [6] Là encore, il est probable que le partage du lit habituel, en favorisant cette adaptation mutuelle, est moins dangereux que le partage du lit occasionnel où ni le bébé ni sa mère n’ont développé toutes les capacités d’interactions propres à une telle situation. [7] Il arrive que les bébés encouragés à « faire leurs nuits », se remettent à téter la nuit après une période d’abstinence de plusieurs semaines ou plusieurs mois. [8] la condition n°7 de l’Initiative Hôpital Ami des Bébés est de « laisser l’enfant avec sa mère 24 heures par jour ». |