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Comportement humain concernant le sommeil des enfants : différences et similitudes
 
Au vu des observations dans les cultures non-occidentales et des données disponibles sur notre passé proche et lointain, il semble qu'en général le sommeil de l'enfant ne pose en fait pas de problème particulier. Dans la journée, l'enfant dort quand il peut et quand il est fatigué. Petit, il s'endormira souvent contre un adulte, grâce aux différentes techniques de portage. Mais cela pourra être également dans un dispositif particulier (berceau, hamac, …) qui sera facilement mis en mouvement pour apaiser le bébé, le plus souvent sous la surveillance d'un adulte ou d'un grand enfant. Aucune régularité ni rythme ne semblent imposés autre que les contraintes que peuvent connaître les adultes (travail, indisponibilité momentanée, repas, etc.).
A une exception près : l'expérience de la société occidentale moderne, c'est à dire les populations d'origine caucasienne qui peuplent l'Europe et l'Amérique du Nord.
 
Comportement universel
Nous pouvons conclure que la norme en ce qui concerne le sommeil nocturne des jeunes enfants est ce que nous pouvons dénommer le lit partagé, c'est à dire le fait de dormir avec un adulte, les premiers mois très souvent la mère, mais parfois des enfants plus âgés ou un autre membre de l'entourage. Il ne s'agit pas d'une pratique culturelle particulière, ne concernant qu'une partie de l'humanité à un moment donné, mais bel et bien d'un comportement universel. En fait l'occident moderne où la pratique du sommeil solitaire est devenue sinon habituelle, en tous cas recommandée par les personnes identifiées comme des spécialistes est bel et bien une exception, et faire du sommeil solitaire la norme est tout simplement une erreur. Que ce soit dans des cultures différentes de la notre, en Afrique, en Asie, en Amérique, en Océanie, ou que ce soit autrefois dans les pays européens, les bébés ne sont jamais isolés durant la nuit. Ils bénéficient de l'attention des adultes qui en ont la responsabilité, et sont endormis dans le calme en évitant les pleurs. C'est encore le cas pour une partie non négligeable de la population occidentale moderne, surtout quand nous considérons les populations immigrées récemment. D'une façon générale, le lit partagé, ou plus largement, le sommeil partagé, correspond à un type de relation qualifiée de proximale : le bébé reste à proximité des adultes, le plus souvent de sa mère qui l'allaite. Laisser pleurer un bébé n'est jamais une solution délibérément adoptée, car les pleurs du bébé sont avant tout considérés comme l'expression d'un mal-être qui doit être combattu. Si des apprentissages sont recommandés parfois dès la naissance, ils n'ont pas comme finalité à développer la capacité à rester seul ; et en tous les cas, jamais dans la petite enfance et jamais la nuit. Les séparations sont toujours la conséquence d'une obligation sociale (la mère est occupée à une autre tâche, personne n'est disponible pour rester avec le bébé) mais en aucun cas le fruit d'une volonté éducative délibérée.
 
Différences culturelles
Si le comportement de sommeil partagé, c'est à dire la proximité du bébé avec un adulte durant la nuit, est observé dans une grande partie de la population humaine, certains éléments peuvent varier d'une société à l'autre, mais également d'une famille à l'autre, d'un enfant à l'autre, et également pour un même enfant au fil du temps. Un bébé pourra d'abord dormir contre sa mère, puis dans un berceau ou un hamac dans la même pièce, puis avec un grand frère, ou une grand-mère…au fur et à mesure qu'il grandit.
Les dispositifs matériels utilisés lors du sommeil sont multiples, nous l'avons vu, et souvent le reflet des techniques mises au point par la société considérée comme le souligne E. Nelson (25).
En ce qui concerne la durée de ce comportement, elle est très variable selon la personne qui reste avec l'enfant. Ainsi, la durée du sommeil partagé mère-bébé est sans doute au moins aussi longue que l'allaitement. Le sevrage intervient à des âges différents et selon des modalités diverses (selon entre autre que l'initiative en est laissée à l'enfant ou à la mère, ou bien en suivant des règles culturelles plus ou moins contraignantes). Mais, à l'exception de la culture occidentale moderne, jamais avant un an, et le plus souvent après deux ans (131). Pour faciliter l'allaitement, le sommeil partagé est alors la solution la plus simple d'un point de vue pratique, surtout si la mère à d'autres activités dans la journée qui l'éloignent de son bébé. La priorité est alors clairement donnée au couple mère-bébé par rapport au couple mère-père en terme de proximité corporelle.
Dans certaines populations comme au Japon, le sommeil partagé est la règle toute la vie durant : le bébé devenu grand ira rejoindre des frères et sœurs plus âgés ou un grand-parent, puis un compagnon ou une compagne ou d'autres membres de la famille, puis dormira avec les enfants qu'il aura à son tour et parfois ses petits-enfants ….
Les études qui ont comparés des sociétés occidentales à des sociétés dites traditionnelles, ou plus largement non-occidentales sont rares. Nous avons vu qu'Hélène Stork était la seule en France à comparer les différents comportements autour du sommeil de l'enfant selon leurs cultures (19). Récemment, des chercheurs ont analysés ces comportements en Nouvelle Zélande, pays où se cottoient de nombreuses cultures (Maori, Samoan, européens, (132 ). Nous avons vu également que Nelson avait conduit plusieurs recherches sur cette question ( 25, 14). Toutes concluent à des différences frappantes entre les façons de s'occuper d'un bébé la nuit : l'occident encourage la mise à distance du bébé durant la nuit, alors que le reste du monde fait de la proximité adulte-enfant (et plus particulièrement mère-enfant) une condition obligée du sommeil de l'enfant.
Les auteurs qui comparent une culture extra-occidentale à notre culture, comme par exemple Rothbaum (133, 134, 135) et Nugent (29) comparant les bébés japonais et les bébés américains, concluent en général à des différences culturelles résultant de représentations différentes de ce qu'est un jeune enfant, et de ses besoins. S'arrêtant à une comparaison une-à-une, les auteurs n'évaluent pas correctement la nature de cette différence entre deux cultures humaines. Ors dans le cas précis de ce comportement, la culture extra-occidentale considérée est finalement représentative de toutes les cultures humaines extra-occidentales. La différence que l'on constate entre la culture occidentale moderne et le reste du monde (c'est également vrai pour le passé) qui a pu être mise en évidence ici, n'est pas uniquement d'ordre culturel. Cette différence là concerne la composante naturelle du comportement nocturne habituel d'un jeune être humain. Le monde occidental moderne propose là une modification majeure et inédite d'un comportement biologique, physiologique et relationnel naturel, le sommeil normal du petit enfant, qui va bien au-delà de la différence culturelle comme nous l'entendons communément. La différence culturelle de ce comportement se lit par exemple dans l'utilisation variée de dispositifs de couchages différents et sans doute aussi dans certaines représentations liées au sommeil en général. La proximité mère-bébé permanente est elle universelle et intemporelle, et donc, selon nos définitions modernes, naturelle.
 
Bilan en France
Les statistiques concernant la prévalence du sommeil partagé sont récoltées par interrogation des familles : celles-ci minimisent sans doute l'occurrence de ce comportement, par peur du jugement qu'elles prévoient (à juste titre) négatif de la part du scientifique en cas de sommeil partagé, faisant elles-mêmes un auto-jugement très défavorable de ce comportement. Combien de fois n'ai-je pas entendu après avoir confessé accepter la présence de mon enfant à mes côtés ma nuit, des mères avouer en faire autant, tout en paraissant désolée de ne pas se montrer à la hauteur (" je sais bien que je ne devrais pas le laisser dans mon lit, mais … "). Les chiffres que nous avons concernant ce comportement sont certainement sous-estimés. On peut donc en conclure que même dans une société où le sommeil solitaire est valorisé, le sommeil partagé reste un comportement réel puisque au moins 10% des enfants partagent de façon habituelle le lit de leurs parents en France ; bien plus (la moitié peut-être) dorment de façon occasionnelle avec eux ; et ce comportement est encore plus fréquent parmi les populations immigrées d'origine maghrébine, asiatique ou africaine. Mais très peu d'études, quantitative ou qualitative, et très peu de discours concernent ce comportement en France. C'est ce silence qui est scandaleux : d'un point de vue purement intellectuel il ressemble tout simplement à de l'ignorance, voire à du refoulement ; et d'un point de vue humain il ressemble à du mépris car c'est toute une partie de la population qui est ainsi niée. Ce rejet de la part des scientifiques est très certainement lié à une angoisse personnelle vis à vis d'un comportement qui trouble ceux qui en ignorent absolument tout.
 
Enfin nous avons largement démontré que le sommeil solitaire engendre de nombreuses difficultés tels que les réveils fréquents avec perturbations du sommeil nocturne de la famille entière. Ces difficultés ne s'arrêtent pas après les premiers mois. Une méthode dite de " l'extinction " permet de résoudre au moins temporairement ses difficultés et a montré scientifiquement son efficacité. Mais les parents ne sont pas tous désireux d'appliquer cette méthode qui présente par ailleurs des désavantages que je détaille maintenant.