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Vos questions sur le sommeil partagé
Dormir avec son bébé, une pratique naturelle ou culturelle ?Rester le plus près possible de sa mère est l’objet d’une série de comportements qui vont de la succion du sein, à l’agrippement, en passant par les appels, vocalises et pleurs. Tous ces comportements sont inscrits dans le patrimoine génétique de l’espèce humaine, et tous les bébés humains sont dotés des mêmes capacités à les mettre en place très rapidement après la naissance. Dormir auprès de sa mère est un comportement naturel, déterminé par des paramètres archaïques puissants car inconscients et vitaux. Sécurité, chaleur, nourriture, sont assurés par cette proximité de jour comme de nuit avec la mère ; auxquels nous devront rajouter l’attachement, fonction relationnelle et psychologique essentielle pour la survie et le développement du petit. Toutes ces conclusions, en général émises par des anthropologues, ne peuvent plus être aujourd’hui discutées. Bien évidemment, l’être humain est également façonné par sa culture. Très tôt, dès les premières heures de vie, des rites, un environnement particulier, des relations sociales établies, vont se surimposer à la trame naturelle. Mais cette culture humaine ne peut pas modifier trop profondément le socle naturel sur lequel elle s’appuie. Et c’est d’ailleurs bien ce que nous pouvons remarquer : la proximité mère-bébé est un élément présent dans absolument toutes les cultures humaines. Cette proximité est dans une immense majorité des sociétés également effective la nuit : le monde occidental industrialisé est en fait une exception. Cette exception n’est pas d’ordre culturel, comme cela est souvent proposé. Non, cette fois, nous entamons la racine naturelle d’un comportement. Il ne s’agit pas d’un type particulier de berceau ou de hamac, ni d’une chanson ou d’un rituel d’apaisement. Mais bien de l’élimination d’une relation charnelle autrefois (et peut-être toujours) indispensable. Cette modification profonde est en fait la conséquence de l’abandon de l’allaitement : les mères qui allaitent longtemps, c’est-à-dire fréquemment, ne peuvent pas ne pas dormir au moins épisodiquement avec leur bébé.
Ne risque-t-on pas d’obliger notre bébé à dormir avec nous ?Certains professionnels prétendent que les bébés éprouvent le besoin de dormir seul et que nous les incitons à dormir avec nous pour combler notre insécurité propre. Avons-nous jamais vu dans leur cabinet des parents éplorés qui n’arrivent plus à faire dormir leur bébé dans le lit parental ? Existe-t-il beaucoup de bébés qui réclament à corps et à cris de quitter la couche parentale pour enfin satisfaire leur besoin de solitude à l’étage ? Est-il nécessaire d’apprendre et d’appliquer une méthode comportementale exigeante pour faire dormir le bébé contre soi ? A moins d’assurer qu’un bébé qui pleure est un bébé satisfait et qu’un bébé qui s’assoupit en souriant manifeste en fait une réelle désapprobation, il est évident que le plaisir et sans doute le besoin du bébé sont de rester à proximité de ses parents et non de prendre ses jambes à son coup pour aller vivre sa vie (ça viendra, mais plus tard). Dans notre situation extraordinaire, nous avons des scientifiques extraordinaires qui nous proposent des théories et des hypothèses extraordinaires … et ridicules. Il est grand temps de reprendre nos esprits et de faire confiance aux sentiments des mères comme aux réactions de leurs bébés.
Mais alors, pourquoi sommes-nous devenus des adeptes du sommeil solitaire ?Déjà au Moyen-Age, les hommes d’Eglise peu favorables à une promiscuité trop animale, inquiets également par des infanticides associés au sommeil partagé, ont exhorté les parents à poser leur nouveau-né dans un berceau à côté de leur lit. Il n’était pas alors question de le mettre dans une autre chambre. C’est que les mètres carrés étaient comptés, et qu’il fallait partager l’espace disponible entre les humains et les bêtes. Les résistances ont été fortes, et il semble que le message n’ait pas été entendu. La séparation a de nouveau été mise à l’honneur lors de la découverte de la contagion des maladies. Pasteur a définitivement mis à mort le mythe de la génération spontanée des micro-organismes, démontré leur rôle dans certaines maladies et proposé des méthodes pour éviter leur action (comme par exemple la pasteurisation). Mais l’équilibre des milliers de bactéries qui colonisent nos organismes est plus complexe qu’il n’y paraît. Limiter les contacts entre une mère et son bébé pour prévenir d’éventuelles contagions s’est révélé catastrophique à de nombreux égards. Peu de temps après la mort de Pasteur, Freud publie les ouvrages fondateurs de la psychanalyse. Les concepts nouveau de sexualité infantile et de fantasmes vont être utilisés par certains thérapeutes pour jeter le trouble sur la proximité parents-enfant. Christianisme, science des micro-organismes et psychanalyse ont chacun à leur tour conduits à écarter le bébé du lit de sa mère. Cela explique en partie que les médecins et les psychologues modernes (les hommes d’Eglise n’ont plus autant de poids dans nos vies quotidiennes) ne voient pas toujours d’un œil très favorable le partage du lit.
Liens entre les différents mode de couchage et les difficultés de sommeilDormir avec son bébé est-il la cause des difficultés de sommeil ? Ou bien au contraire, est-ce là la solution à nos problèmes nocturnes ? Tout et son contraire peut s’entendre. Les partisans du sommeil solitaire aboutissent à la conclusion que des difficultés de sommeil sont associées au sommeil partagé. Peut-être n’ont-ils pas tort : bien souvent chez nous, le sommeil partagé n’est adopté que quand l’enfant montre des difficultés de sommeil. Ainsi Claude qui « cède au caprice de Damien », son fils de huit mois. Jusqu’à présent, Damien dormait seul, sans trop de difficulté. Et puis tout d’un coup, le voilà qui pleure le soir. Claude mettra ceci sur le compte des dents. Et apaisera Damien en l’acceptant dans son lit. Mais peu habitué à dormir avec un bambin déjà remuant, elle aura du mal à trouver le sommeil. Et Damien aura effectivement un sommeil agité. Très souvent, ce genre de tableau finit chez le médecin, dont on attendra alors la recette miracle pour que l’enfant regagne ce qui est considéré comme son territoire, c’est-à-dire son lit. Mais que s’est-il réellement passé ? En fait, une période de plusieurs mois de sommeil solitaire, plus ou moins bien accepté par l’enfant, aura précédé une difficulté ponctuelle jugée non tolérable, suivie par une tentative de lit partagé. Le bébé a malgré tout, y compris quand cela ne lui convenait pas parfaitement, pris des habitudes durant ces mois de sommeil solitaire. Dans certains cas, la solution du lit partagé apportera rapidement ses fruits, et les parents gagnent un bébé apaisé, qui s’endort enfin facilement et qui se rendort sans trop de problème. Mais il est également possible que lui et ses parents aient du mal à s’adapter rapidement et parfaitement au lit partagé quand celui-ci semble s’imposer comme réponse à une difficulté. Au final, soit cette dernière cède, et on parlera de succès ; soit elle persiste ou d’autres s’installent. Dans ces cas-là, la situation est vécue comme un échec, et comme devant très rapidement cesser. Mais vous noterez au passage que les chercheurs éludent soigneusement la première étape : si le lit partagé est, chez nous, souvent la conséquence des difficultés de sommeil, elles-mêmes sont les conséquences du sommeil solitaire imposé. Bien plus que leur cause. Pour que le sommeil partagé soit une solution efficace aux problèmes de sommeil rencontrés après une période de sommeil solitaire, il faut que les parents y trouvent aussi du plaisir. C’est ce qu’illustre l’histoire de Marie, mère « célibataire » de Clément. Depuis sa naissance, Clément dort dans un lit à barreau, lui-même placé dans une chambre séparée. Clément est le premier enfant de Marie, elle n’a jamais imaginé procéder de façon différente. Clément a commencé à faire ses nuits vers deux mois. Jusqu’à l’âge de trois mois, où Marie a repris le travail et où les choses se sont dégradées : Clément pleurait pour aller se coucher, et se réveillait au moins un fois par nuit. Marie était épuisée, passait de longues minutes (le temps est multiplié par 10 la nuit, quand on a besoin de dormir) à bercer Clément pour le rendormir. Finalement elle a fini par le prendre avec elle dans son lit ce qui a lui a permis de retrouver des nuits calmes. Mais surtout, comme elle l’a reconnu « j’ai réellement apprécié ces moments de câlins, et je regrette de ne pas avoir fait comme ça dès la naissance. C’est sûrement ce que je ferai pour un prochain bébé ». Le professeur Hélène Stork, psychologue anthropologue française, a observé les habitudes de sommeil dans trois pays fort différents : à Taïwan, au Japon et en France. Dans les deux premiers pays, le lit partagé est la norme. Elle a notamment évalué les difficultés de sommeil rencontrés dans chaque pays et elle a montré de façon claire que là où le sommeil partagé est la norme (c’est à dire à Taïwan et au Japon), les problèmes de sommeil sont moins fréquents qu’en France (respectivement de 57%, 27% et pour la France de 72%). Le nombre impressionnant d’études scientifiques traitant de cette question chez nous est déjà en soi un fait révélateur : ce problème semble réellement spécifique à notre culture. Enfin dans les observations que les anthropologues font des sociétés extra-occidentales, je n’ai retrouvé aucune description de difficultés de sommeil chez les jeunes enfants. Par contre, les auteurs ne manquent pas de souligner que les bébés dorment très souvent avec leurs parents. Terreurs nocturnes, cauchemars, balancements rythmiques, sont monnaie courante chez nous, mais semblent inconnus dans ces contrées plus accueillantes pour l’enfant.
Solitude et maltraitance sont-elles associées?Nous sommes bien prompts à évoquer la maltraitance et à proposer de grandes actions pour la diminuer. C’est bien facile de stigmatiser la violence de l’autre. Mais bien plus difficile de reconnaître la sienne propre. Frapper un enfant, le priver de nourriture, nous paraissent aujourd’hui des violences inadmissibles. Mais les mères africaines, quand elles apprennent que nous éloignons le plus possible les bébés de leur mère la nuit, voient dans ce geste une atteinte aux besoins fondamentaux des nourrissons. Si cela n’apparaît pas immédiatement quand on considère les enfants qui s’adaptent plutôt bien à cette situation, certaines descriptions laissent peu de place au doute et expriment bien toute la détresse des enfants. N’était-il recommandé dans un article paru en janvier 2001 dans Parents de fermer la porte de la chambre d’enfant à clé quand celui-ci tentait de s’en échapper pour rejoindre ses parents ? Bien peu s’offusquent de laisser un enfant appeler sa mère jusqu’à épuisement. Une mère qui pense bien faire en ne répondant pas à ces appels, et qui se blinde de cette manière, n’exploite pas sa pleine capacité à comprendre et répondre aux besoins de son bébé. Comment un enfant peut-il comprendre que le jour il puisse rester à proximité de ses parents (il ne viendrait aujourd’hui à personne l’idée d’enfermer un enfant dans la journée), et que la nuit, qui de tout temps fait surgir en chacun de nous des peurs enfouies le jour, cela lui soit impossible ? Si la proximité est de nos jours identifiée comme favorable au développement des enfants, une poche de résistance existe encore autour du sommeil de l’enfant qui est d’un point de vue psychologique difficilement justifiable. Comment changer de méthode et passer du sommeil solitaire au sommeil partagé ?C’est en général ce qui va se passer quand la méthode du sommeil solitaire (c’est à dire le bébé dans sa chambre et dans son lit) ne se montre pas satisfaisante. Nous savons que cela arrive souvent, et que c’est tout à fait compréhensible. Plusieurs options sont possibles : - Le bébé peut être accueilli de temps en temps dans le lit des parents, ou bien un des parents peut dormir ponctuellement dans la chambre de l’enfant. Il s’agit alors de satisfaire le besoin de proximité du bébé quand il le réclame, à des périodes de plus grande vulnérabilité : maladie, changement d’habitudes, déménagement, etc. C’est la solution en général retenue quand l’enfant dort habituellement plutôt bien dans son propre lit, qu’il y a été habitué (c’est à dire qu’il l’accepte en général bien, sans pleurs) et que cela convient aux parents. L’inconvénient sera pour l'adulte et pour l'enfant d’être souvent mal installés quand ils dormiront ensemble, car les parents hésitent alors à investir dans un lit plus grand ou dans l’achat d’un matelas supplémentaire, pour un sommeil partagé ponctuel. Associée à des difficultés de sommeil chez l'enfant, cette solution sera en général perçue comme transitoire avec même une connotation d'échec. Il faudra rester vigilant sur la sécurité du bébé (absence de couverture et d’oreiller, position de l’enfant, risque de chute, …). - Vous souhaitez un changement plus radical, et changer complètement de façon de faire. Soit le bébé sera accueilli de façon habituelle dans le lit des parents ou à côté, ou bien la mère ou le père peut rejoindre systématiquement son bébé dans la chambre d'enfant. Il est important de ne pas négliger l’installation pour le confort et la sécurité de tous. Ensuite, un temps d’adaptation sera sans doute nécessaire, pour les adultes comme pour l’enfant. Bien souvent la première option précède la seconde, et le provisoire ou le ponctuel devient du définitif ou du permanent.
Dans tous les cas, la modification de son environnement pourra au début exciter l’enfant, car il découvre ses parents comme il ne les a jamais vus auparavant et se trouve dans une situation inédite. Même si dormir seul ne lui convenait pas, il s’est tout de même un peu habitué (parfois avec des pleurs) à un environnement sans bruit, sans mouvement, sans lumière et sans chaleur. La même chose est valable pour les parents : ils découvrent que leur bébé bouge la nuit, grogne, fait du bruit en respirant. Tous ces bruits passent inaperçus pour ceux qui les connaissent depuis le début. Il faut se montrer patient, et ne pas renoncer trop rapidement, ni multiplier les expériences ce qui ne pourraient que semer la confusion pour votre enfant. Donnez-vous au moins deux-trois semaines pour trouver un nouvel équilibre.
Et les rythmes biologiques de l’enfant dans tout cela ?Les spécialistes de la petite enfance et du sommeil évoquent très souvent les rythmes biologiques naturels des jeunes enfants. Le sommeil est constitué de périodes qui chacune offrent des tableaux physiologiques caractéristiques : sommeil superficiel, sommeil REM (Rapid Eye Movement soit « mouvements rapides des yeux »), sommeil profond. Se superposent à cela des cycles hormonaux, des courbes de température et autres mesures de paramètres physiologiques qui brossent un portrait scientifique de l’être humain, notamment quand il dort. Cette vision exclu l’environnement de l’analyse, et par conséquent diminue fortement son influence en élaborant un modèle théorique basé sur des observations de laboratoire. Ces observations ne concernent, à quelques exceptions près, que des bébés qui dorment seuls ; les rares chercheurs qui se sont penchés sur les rythmes biologiques du bébé dormant avec sa mère, ont trouvé des schémas comportementaux spécifiques. Ils ont montré entre autres que le bébé et sa mère se synchronisaient, et que le bébé avait un sommeil plus léger, ce qui est certainement favorable pour prévenir la MSN. De plus, nous savons bien que notre sommeil dépend de notre alimentation (quand et comment avons-nous mangé avant de dormir ?), de notre activité physique, de notre état de santé, de notre état émotionnel, sexuel, intellectuel, que sais-je encore ? Ne donnons donc pas trop de crédits à des études qui se sont contentées de n’observer qu’une partie de la réalité. Et si vous êtes réfractaires à ces propositions théoriques, rassurez-vous : ignorer les variations de ces paramètres biologiques n’a pas empêché l’être humain de plutôt bien dormir durant des millénaires. N’y a-t-il pas un risque de relation incestueuse ?Les actes pédophiles font souvent la une de nos médias. La souffrance des enfants sexuellement abusés est reconnue de nos jours. Nous savons que bien souvent les bourreaux de ces petites victimes sont des proches, parfois leur propre père ou beau-père. Ces adultes ont une sexualité pervertie et dénaturée : des relations sexuelles entre adultes et individus pré-pubéres n’ont jamais été observées chez les animaux. D’après les éthologues dont les résultats ont été repris par Boris Cyrulnik, l’attachement rend la relation sexuelle impossible. Il est fort probable que les pères incestueux n’ont pas développé de relation d’attachement suffisante pour rendre la relation sexuelle avec un de leur enfant impossible. L’histoire personnelle du père pédophile, et notamment la relation avec ses propres parents, explique bien souvent cette attirance pour un très jeune enfant. La question qui nous préoccupe ici est de discuter de l’association possible entre le sommeil partagé et les relations incestueuses. Avoir des relations sexuelles avec son enfant n’est pas le fait du hasard d’une proximité fortuite ou habituelle ; un adulte qui a une personnalité normale ne sera pas attiré par son jeune enfant, quelles que soient les circonstances. Au contraire, partager le lit de son enfant développe l’attachement entre l’adulte et l’enfant et serait donc plutôt un facteur de prévention. Dormir dans le même lit n’est pas plus dangereux que de partager la même salle de bain, passer des soirées en famille, et tout simplement vivre ensemble dans une intimité familiale ordinaire. En d’autres termes, ce n’est pas parce que la proximité et la nudité déclenchent chez l’homme une excitation sexuelle quand elle concerne une jeune femme, qu’il en sera de même avec un enfant de deux ans ! Des concepts psychologiques tels que « complexe d’Œdipe » ou sexualité infantile ont parfois été utilisés pour mettre en garde contre une trop grande intimité, y compris entre une mère et son bébé. Certains psychanalystes n'hésitent pas à évoquer chez l’enfant le désir de relations sexuelles avec un adulte. Les pleurs incessants des bébés sont alors interprétés comme des tentatives plus ou moins conscientes de séparer ses parents et de prendre une place qui n’est pas la sienne. Cela ne correspond pas à ce que ressentent de nombreux parents. Si votre couple est solide, si vous vous considérez comme des adultes responsables, si c’est avant tout votre souci de vous occuper de votre bébé qui guide vos actions, il n’y a aucun risque de relations incestueuse, ni même de climat incestueux quand votre bébé dort avec vous. Besoin ou désir ?Les bébés ne parlent pas. Et nous n’avons pas gardé de souvenirs de nos premiers mois. Nous sommes donc réduits à émettre des hypothèses sur les émotions, les besoins, les désirs de nos nourrissons. Nous avons déjà bien du mal à exprimer les nôtres, comment croire alors qu’il est simple de déterminer ceux de nos bébés ? Tout peut se lire : le bébé à besoin d’être seul, il a besoin de pleurer (hier pour se déplier les poumons, aujourd’hui pour décharger son stress), il a besoin de connaître la faim ou la soif pour apprendre le désir et sublimer sa mère. Et celle-ci doit apprendre à reconnaître un besoin (besoin pour survivre ou pour s’adapter à son milieu social ou pour s’épanouir, cela n’est jamais précisé), d’un simple désir qui lui peut et doit même être contrecarré. Ces notions très larges ne sont en général pas explicitées et justifient à peu près toutes les hypothèses et toutes les méthodes d’éducation. Mais inutile d’être une experte en philosophie ou sciences humaines pour interpréter les signaux de son bébé. La majorité des mères considèrent les pleurs de leur bébé comme l’expression d’un besoin qui doit être satisfait. Cette même majorité cherche alors à calmer le bébé en le prenant dans les bras, en l’allaitant, en le berçant. Et ça marche. Pourquoi ne pas faire confiance à l’expérience des mères ?
Les mères ne vont-elles pas trop fusionner avec leur bébé ?Tout le monde admet aujourd’hui que la période post-natale voit le couple mère-bébé vivre dans une proximité physiologique quasi-permanente. Inséparables, indissociables, ils forment un tout symbiotique perçu tout à fait favorablement par notre société. Mais cela ne doit pas trop durer. Bien vite, on considère que mère et bébé doivent s’affranchir de ce lien trop puissant, apprendre à être autonomes, vivre enfin « chacun pour soi » (pour son travail, son mari, sa crêche ou sa nounou) et couper le cordon. Trop vite ? Les difficultés qui sont le cortège de ces séparations multiples jugées comme inévitables voire salutaires, remplissent nos cabinets de « psy ». Qui ne savent que répondre par plus de séparation, plus de fermeté, plus d’exigences. Et de presser les mères à ne pas s’attarder dans ce no mans land de la périnatalité : tirer un bon coup bien sec pour déraciner cette plaie que représente une proximité trop forte qui aurait tendance à s’installer. Pourtant, un peu plus de temps, un peu plus de respect pour le jeune bébé, un peu plus de proximité, suffirait le plus souvent pour que l’évolution se fasse calmement, à un rythme naturel et non à celui des contraintes socio-économiques de notre époque. Douceur et patience font parfois gagner plus de temps que brutalité et précipitation, en prévenant les regrets, les insatisfactions, les manques, qui tôt ou tard s’exprimeront et interférerons avec le développement de l’enfant comme de ses parents.
Comment préserver une vie de coupleTout en voulant donner le meilleur pour leur enfant, les parents souhaitent également préserver leur relation et leur vie de couple. Si le bébé dort avec ses parents, que devient donc cette vie de couple ? Existe-t-elle encore ? Notre société se caractérise par une survalorisation du couple parental qui est souvent présenté comme une cellule fermée menacée par des agents extérieurs. Le bébé devient vite un gêneur, quand il n’est pas tout simplement suspecté de vouloir saboter le couple. Nous avons vu que cette vision simpliste est ridicule. Le plus souvent, il est conseillé aux parents de préserver leur intimité, en organisant des moments « sans le bébé » : dîner au restaurant, soirée cinéma, week-end en amoureux, etc. Est-ce indispensable ? Ecarter les bébés de leur mère la nuit a-t-il été favorable au couple parental ? Divorce-t-on moins depuis que le sommeil solitaire est à la mode ? Il semble, d'un point de vue statistique et social, que ce soit plutôt le contraire. Ceci étant, ne négligeons pas les difficultés auxquelles le jeune couple sera confronté. L’arrivée d’un premier enfant est toujours un bouleversement. Cette fonction parentale toute nouvelle pour les deux partenaires du couple modifie profondément leur personnalité propre et hiérarchise différemment leurs priorités, pour bien évidemment influencer jusqu'à leur relation elle-même. Le changement dans la vie des adultes est d’autant plus intense que l’enfant arrive tard, souvent après plusieurs années de vie à deux. Des habitudes ont été prises, qui sont souvent peu compatibles avec l’arrivée d’un bébé. L'entourage des parents, les amis, la famille devront s’adapter eux aussi : c’est un peu comme si l’arrivée d’un premier bébé obligeait la terre entière à se réajuster autour de ce nouvel arrivant. De plus l’enfant est rare, et les jeunes couples n’ont plus l’habitude d’en côtoyer. Les modèles sont souvent inexistants, il faut alors tout réinventer. Une période d’adaptation est souvent nécessaire et les parents devraient ne pas se montrer trop exigeants vis-à-vis d’eux-mêmes et éviter de se donner des objectifs irréalistes et contraignant les premières semaines. Si un bébé peut s’emmener partout, il aura néanmoins toujours besoin de toute l’attention de ses parents. Etre parent, c’est être « sur le pont » 24 heures sur 24, le jour comme la nuit. Dormir avec le bébé la nuit permet d’installer le bébé dans sa famille. A sa place, c’est à dire au centre, au moins les premiers temps. Cela n’empêche pas les parents d’avoir entre eux des relations d’adultes (la question des relations sexuelles est traitée plus loin). Tous les parents apprennent assez vite à avoir des activités d’adulte comme lire un livre, avoir une discussion, faire le ménage, etc. avec leur jeune enfant à leurs côtés. Ces questions se posent de façon encore plus aiguë quand la mère dort avec son bébé, sans le père. Nous avons pris l’habitude de considérer que le mari et la femme, deux adultes à part entière, ne peuvent se passer l’un de l’autre durant la nuit. Alors que le bébé est censé pouvoir dormir seul. Un couple peut survivre sans passer ensemble toutes les nuits, dans leur totalité. C’est le cas dans de nombreuses cultures, en particulier en Afrique et en Asie, y compris pour des sociétés monogames, et c’est le cas pour de nombreuses familles occidentales. Quand cette option est choisie, la mère et le père peuvent se retrouver seuls à certains moment de la journée ou de la nuit, et retrouver une certaine intimité. Cela peut être en début de nuit après avoir endormi le bébé ; cela peut être à d’autres moments. Pour un couple équilibré, c’est à dire des adultes conscients de leurs responsabilités, cela ne représente aucun danger.
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