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Une vie sexuelle est-elle encore possible  ?

Après l’accouchement, avec ses seins tendus par la mise en route de l’allaitement, et les soins constants que requiert le nouveau-né, la mère est en général uniquement préoccupée par son bébé. Son compagnon devra avant tout trouver sa place de père. Même s’il est moins investi que la mère dans cette découverte, il doit lui aussi s’imprégner de sa paternité. La sexualité sera tenue pour un certain temps à l’arrière-plan. Il n’est pas impossible de vivre une sexualité ralentie voir inexistante durant quelques semaines ou quelques mois : cela ne peut remettre en question l’existence d’un couple bâtit sur des fondations solides.

Après, le désir de relations sexuelles s’éveillera à nouveau. Avec des modifications qu’il faudra apprivoiser. Ce ne sera plus jamais comme « avant ». Il deviendra plus difficile de s’ébattre toute une nuit. Faire l’amour va demander plus d’attention et de créativité : attendre que le bébé s’endorme, faire moins de bruit, changer d’endroit, s’interrompre si le bébé se réveille, etc. Il est tout à fait possible de déplacer un bébé profondément endormi et ce ne sont pas quelques bruits étouffés qui le réveilleront. De toutes façons, où que dorme le bébé, les parents devront faire preuve d’inventivité, et compter avec lui, ne serait-ce que psychologiquement. Et cela reste valable de longues années : la présence d’enfants, d’adolescents, de jeunes adultes, est un élément qui devra également être pris en compte pour préserver une certaine intimité au couple des parents.

 

La vie ne va-t-elle pas se centrer uniquement sur l’enfant ?

Quand une mère dort avec son bébé et qu’elle l’allaite à la demande, elle a déjà établit des bases relationnelles solides. Le reste, comme jouer ou stimuler le bébé durant les périodes d’éveil, devient presque secondaire. C’est vrai que chez nous il est courant de proposer aux parents d’interagir avec leurs enfants à ces moments-là qui sont présentés comme des moments privilégiés voire même des moments clés qu’il convient de ne pas laisser passer. Les périodes où le niveau de conscience de l’enfant est abaissé ne semblent pas intéressantes d’un point de vue relationnel ou du développement général de l’enfant. Et pourtant, avez-vous déjà vu des mères africaines s’occuper de leur bébé ? Elles les allaitent souvent en poursuivant leurs activités, les portent dans le dos en faisant la vaisselle, les installent sur leurs genoux et leur caresse les cheveux en discutant avec leurs amies. La relation se développe à un niveau inconscient, avec des contacts cutanés répétés, des stimulations physiques qui sont autant de messages positifs et rassurants pour le bébé et bien sûr une proximité quasi-permanente. Nous dédaignons ce type de relation très primitive à la frontière de la conscience. C’est certainement une erreur qui nous oblige à donner beaucoup d’attention consciente lors de moments que nous pensons mieux choisis. Les parents qui ont des relations intimes comme celle qui consiste à dormir avec leur bébé, n’ont pas besoin de faire tant d’efforts : ils ont déjà donné beaucoup à leur enfant, d’une façon toute simple et sans même y penser. Ils ne culpabiliseront pas quand, au lieu d’inciter leur bambin à découvrir un nouveau jeu ou un nouveau livre, ils le laisseront s’amuser à leurs côtés sans autre intervention qu’une surveillance flottante ordinaire. Eux, de leur côté, pourront se livrer à des activités adultes (lire un livre, regarder un film, discuter avec un voisin). Inutile de se procurer le dernier jouet à la mode censé stimuler l’attention du bébé : il aura déjà reçu de nombreux stimuli fort bénéfiques pour son développement comme pour votre relation. Donc contrairement à ce qu’on croit bien souvent, s’occuper ainsi de son bébé, en restant à proximité lors de son sommeil notamment, permettra d’avoir plus de temps pour des activités adultes, non centrées sur l’enfant, mais tout simplement en sa compagnie. Je me souviens ainsi avoir passé de longs moments à jouer avec mes deux premiers enfants, Thomas et Clément : une activité à l’extérieur de la maison mais aussi le fait qu’ils étaient isolés la nuit dans leur chambre m’incitaient à rattraper ce temps perdu loin d’eux. Quand Marin et moi nous nous réveillons le matin après une nuit passée l’un contre l’autre, je n’éprouve pas le même besoin de m’occuper activement de lui. Les soins et mon attention lui sont en fait donnés sur une grande période de temps, alors que si je ne dormais pas avec lui, ils seraient  regroupés en des périodes plus courtes et donc plus intenses. Nous avons tous entendus la phrase rituelle de nos jours : mieux vaut passer de courts moments de bonne qualité avec ses enfants que de longs moments jugés moins intenses sinon pesants. Je pense que c’est diminuer les effets tout à fait bénéfique d’une présence continue et légère qui laisse en fait au bébé la liberté de s’ouvrir vers l’extérieur en situation de sécurité intérieure complète. Il n’est pas certain que les bébés aient besoin qu’on leur lise deux livres par jour pour être heureux : mon observation m’indique plutôt qu’ils ont avant tout besoin de proximité. Les meilleures découvertes sont peut-être celles que l’on fait seul, avec juste le soutien d’une présence rassurante. Les bébés laissés libres d’agir à leur guise dans cette proximité rassurante développent certainement plus rapidement une autonomie réelle et non factice que les bébés dont la vie est hachurée en périodes de stimulation intense et de périodes de solitudes. Nous faisons un mauvais calcul en pensant que la première attitude (un maternage de proximité) coûte plus de temps et d’énergie aux parents : je pense pour ma part que c’est le contraire.

 

Combien de temps cela va durer ?

Voilà une préoccupation fréquente pour les parents, surtout quand il s’agit d’un premier enfant. Il est clair qu’un bébé est appelé à évoluer, pour devenir un enfant puis un adulte. Comme de nombreux comportements actifs à la naissance, le sommeil partagé est l’expression même des capacités du bébé. Celles-ci évoluent, et entraînent l'évolution des pratiques associées, parfois jusqu'à leur disparition. Il en est ainsi pour l'allaitement au sein. Quand l'enfant grandit, son organisme s'adapte progressivement à une alimentation diversifiée, et le lait de sa mère cesse d'être un aliment indispensable et la tétée un mode relationnel privilégié. Bien évidemment, cette évolution est positive; voir grandir son enfant est une véritable satisfaction pour les parents. Un jour, le bébé marche, parle, devient propre, va à l’école, à l’université, quitte finalement le nid familial pour bâtir le sien. Un jour donc, il quittera le lit de ces parents, et ira dormir ailleurs. Tout comme pour l’allaitement, nous sommes chez nous très pressés de voir nos bébés évoluer et devenir autonomes. Comme si devancer les étapes permettait de mieux les franchir. Or il est reconnu aujourd’hui que les bébés devraient téter deux ans au moins. Attendre qu’un enfant soit prêt pour franchir une étape n’est pas une perte de temps. Au contraire, il gagnera en confiance (en lui, en son entourage) et en assurance. A quoi sert-il donc de dresser un enfant à être propre trop tôt ? A en faire un énurétique? A quoi sert-il de pousser un enfant à marcher ? A l’empêcher de trouver lui-même son équilibre corporel ? Aller plus vite que la musique n'apporte rien à l'enfant, au contraire. Il n'est pas certain non plus que cela apporte quelque chose aux parents, car la pseudo-autonomie construite à grand frais est bien fragile, et se brise au moindre coup de vent. Cela concerne également le sommeil partagé. Il n'est pas simple d'indiquer une durée au-delà de laquelle le sommeil partagé ne serait plus adapté à l'enfant. Je pense plutôt que le sommeil solitaire n'est pas le comportement naturel de l'homme, en dehors peut-être de périodes assez courtes (autour de l'adolescence, quand les fonctions sexuelles sont actives et que le jeune adulte n'a pas encore de vie sexuelle régulière ou de vie familiale). Peut-être existe-t-il également une différence selon le sexe. D'importantes variations existent entre les pays en ce qui concerne la durée d'allaitement, qui influe sur la durée du sommeil partagé mère-bébé. Cependant bien souvent les bébés tètent plus de deux ans dans le monde ce qui correspond vraisemblablement à la durée minimum de la cohabitation nocturne mère-bébé (il n'y a en effet aucune raison que les tétées nocturnes cessent brutalement vers 3-4 mois, comme le pensent nos spécialistes qui ont de très maigres connaissances sur l'allaitement maternel). Après la période de proximité mère-enfant, le sommeil partagé peut concerner d'autres individus.

Admettons maintenant que l'enfant se soit développé dans un cadre sécurisant, c'est à dire à proximité de ses parents, y compris la nuit. Arrive un moment où l'exploration et les relations avec d'autres partenaires que les parents prennent une importance telle que l'enfant ne ressentira plus autant le besoin de dormir avec ses parents. Il préférera par exemple partager la chambre d'un grand frère, appréciera un certain isolement lui permettant d'écouter de la musique, de lire, de faire librement ce qu'il veut sans être sous le regard permanent de ses parents. Si ce désir d'indépendance est typique de l'adolescence, il se manifeste déjà souvent avant la puberté. Pourquoi s’interdire de penser que les parents et l'enfant puissent ressentir quasiment simultanément qu'il est temps de prendre un peu de distance ? Cette étape sera alors vécue comme tout à fait positive, et comme la suite logique d'un processus global. Un enfant qui aura eu son comptant de proximité ira de l’avant, et sortira du lit de ses parents sans remords et sans nostalgie, en toute liberté. Les possibles sentiments de tristesse seront certainement compensés par le plaisir de grandir et de gagner des possibilités nouvelles pour l'enfant, et le plaisir pour les parents de voir leur enfant se développer. Bien sûr les parents ont aussi leur mot à dire. Cette relation de proximité qu’est le sommeil partagé est une relation à deux, à trois, voire plus. D’une façon générale, plus un enfant est grand, mieux il comprendra et acceptera la fin de cette relation de sommeil. Mais il est vrai qu'il pourra s'opposer à une modification brutale de son mode de vie : l’écoute, la patience et la confiance sont alors la clé d’une évolution sereine. Les personnes qui craignent de voir l’enfant succomber au besoin de proximité reconnu implicitement comme néfaste ou comme un puits sans fond, sont en général elles-mêmes victimes de séparations précoces qui les maintiennent dans une relation de regret vis-à-vis d’une proximité d’avec leurs parents trop précocement interrompue.

 

Maman ou papa ?

Même si nous avons parfois évoqué les parents, donc le père et la mère, cette dernière est déjà venue au premier plan de notre discours plusieurs fois. Il est clair que bien souvent la proximité concernera en premier lieu la mère et son bébé. Pour une raison bien simple : c’est elle qui allaite. Ce qui ne veut pas dire que le père n’a pas sa place aux côtés du bébé. En l’absence de la mère, le père peut tout à fait rassurer seul son bébé. Quand l’enfant est plus grand (par exemple à partir d’un an), il arrive souvent qu’il ne tète plus chez nous[1]. Dans ce cas, le père peut pratiquement jouer le même rôle sécurisant que la mère. Quand un nouveau bébé arrive, le père est souvent plus présent pour les aînés, et pourra se charger de les réconforter durant la nuit pendant que la mère se consacre plutôt au nouveau-né. Il est rare que seul le père dorme avec son bébé. De tels cas sont en général liés à l'impossibilité pour la mère de se trouver à proximité de son nourrisson (hospitalisation, déplacement professionnel, insomnie,…).

Le lit familial est une solution tout à fait pertinente quand le père souhaite profiter le plus possible de son bébé, dès les premiers jours. Comme il bénéficie d’un congé paternité plus court, il pourra ainsi partager du temps et du plaisir à être avec son bébé durant les nuits, comblant ainsi en partie son absence durant la journée.

 

Quand les parents sont séparés

Si le sommeil partagé est à peine toléré dans notre société dans les cas de figure habituels, nous avons déjà vu que dans les cas « particuliers » il était encore plus vivement déconseillé. Si les parents sont séparés ou divorcés, une fois de plus le sommeil partagé sera considéré comme néfaste. C’est pourtant à ce moment là que la mère ou le père auront le plus tendance à choisir cette option : l’adulte se retrouve seul, la sexualité des parents n’est évidemment plus un problème (nous avons vu qu’elle était souvent vécue comme un obstacle au sommeil partagé), l’enfant est perturbé par la séparation et réclame plus d’attention. Les psy verront alors dans le sommeil partagé un risque pour l’enfant de « jouer » au parent qui n’est plus là, et pour le parent d’utiliser l’enfant comme substitut d’un compagnon ou d’une compagne. Mais n’est-il pas normal que deux êtres aussi familiers qu’un adulte et son enfant dans un moment souvent empreint de tristesse et de solitude souhaitent se rapprocher et se réconforter mutuellement ? Et n’est-il pas alors absurde de leur refuser cette intimité d’une nuit partagée ? Je ne pense pas, une nouvelle fois, qu’il y ait risque de confusion, ni chez l’enfant, ni chez le parent. Et ce, quel que soit leur âge. Si la relation père-enfant ou mère-enfant est bonne, si l’attachement entre le parent et l’enfant est réel, il n’y a pas de danger.

C’est souvent à l’occasion d’une séparation (temporaire ou définitive) que les parents pourront expérimenter ce qu’est la solitude nocturne. Et de constater que l’être humain n’est pas fait pour dormir seul, ni à 40 ans, ni à 1 an. Je me souviens ainsi des vacances passées chez mes parents dans le midi, avec les enfants. Mon mari restait à Paris travailler, la maison était petite et nous devions dormir à plusieurs dans les chambres. C’est à cette occasion que pour la première fois j’ai découvert le plaisir de dormir dans la même chambre que mes jeunes enfants. Nous étions quatre dans la pièce : Mathilde, alors bébé, dormait dans un berceau contre mon lit ; Thomas et Clément chacun dans un lit. Et j’ai eu alors l’impression physique que nos sommeils se consolidaient mutuellement : sans doute était-ce un profond sentiment de sécurité qui me détendait complètement et me permettait de mieux dormir.

 

Et si mon bébé semble vouloir dormir seul ?

Certains enfants semblent se satisfaire plus facilement que d’autres du sommeil solitaire. Les parents adopteront alors plus facilement cette solution, mais il est bien rare qu’il n’y ait pas une période où l’enfant se réveille et réclame la présence de ces parents. Il est fréquent par exemple que les bébés fassent leurs nuits vers 4 mois, puis se réveillent à nouveau vers 8-9 mois. Comme nous adoptons des comportements qui invitent les bébés à dormir seul et ce durant de longues périodes, en les posant par exemple dans leur lit loin de toute agitation dès qu’ils s’endorment, il est normal que certains d’entre eux finissent par se comporter ainsi, en douceur. Nous avons déjà vu plusieurs fois que l’environnement modifie, dans une certaine mesure, nos comportements. Mais comme la nécessité de la proximité avec d’autres congénères, pour notre sécurité physique mais aussi mentale est profondément  inscrite en nous, il est fréquent qu’à la moindre difficulté, au moindre changement (une dent qui perce, la mère qui reprend le travail, un déménagement, des vacances,…), le bébé se réveille la nuit et réclame la proximité de sa mère ou de son père. Il est également possible que les parents souhaitent dormir avec leur bébé (ils sont naturellement programmés pour cela eux aussi). Il n’est pas nécessaire d’attendre que des difficultés de sommeil liées au sommeil solitaire apparaissent pour dormir avec son enfant.

 

Quand les deux parents travaillent

Nous avons déjà évoqué l’intérêt du sommeil partagé pour le père qui, ne bénéficiant pas d’un congé post natal très important, ne peut profiter de son bébé la journée. Cette remarque s’étend également aux mères qui travaillent. Bien souvent, le bébé qui faisait ses nuits se réveille à nouveau au moment de la reprise d’une activité professionnelle. Les changements qui bousculent alors le quotidien du bébé (séparation d’avec la mère et garde par une tierce personne) le perturbe et il est normal qu’il ait besoin de se réassurer auprès de sa mère tout le temps où celle-ci est disponible. Notre société a tendance à oublier qu’un jeune enfant ne peut pas toujours se contenter de voir sa mère 3 ou 4 heures par jour. Le petit humain a besoin de proximité avec sa mère pendant plusieurs années. De même, la mère a besoin de son bébé et de son contact. Dormir ensemble la nuit permettra à l’un comme à l’autre de mieux satisfaire ce besoin réciproque de proximité. Les mères qui souhaitent poursuivre l’allaitement auront tout intérêt à permettre à leur bébé de téter la nuit : cela stimulera la production de lait à un moment où le bébé ne tétera plus autant dans la journée. sLe sommeil partagé permet alors pour les femmes qui travaillent de donner sécurité affective et nourriture à leur bébé sans aucun effort. De nombreuses mères ont ainsi pu poursuivre l’allaitement de leur bébé bien au-delà de la reprise du travail.

 

Ne risque-t-on pas d’avoir un enfant qui n’accepte aucune limite ?

Définir des limites est une des composantes de l’éducation des enfants. C’est reprendre ici un consensus universel que de reconnaître que les éducateurs, parents et autres, ont souvent à poser et à faire respecter des règles. Il est de bon ton aujourd’hui de regretter le manque de fermeté des parents, et de se lamenter sur nos banlieues incivilisées. Laissons ces généralités pour nous concentrer sur ce qui nous concerne ici : élever son bébé dans une proximité corporelle non limitée pourrait-il induire chez ce dernier des comportements hostiles à certaines limites proposées par ailleurs ? Les parents qui adoptent ce style de maternage, ne risquent-ils pas de tout permettre, et de bannir jusqu’à la plus petite insatisfaction ? Non, et pour plusieurs raisons. Tout d’abord les bébés élevés contre leur mère, avec le sein à volonté de jour comme de nuit, connaissent eux aussi des frustrations. Cela n’empêchera pas en effet le bébé d’avoir parfois mal, de ressentir des tensions internes, de souffrir du chaud, du froid. Les frustrations sont certes moins fréquentes que pour un bébé élevé avec des règles rigides. Mais si l’on admet que ressentir des frustrations est nécessaire pour être apte à la vie sociale, il n’est jamais question ni de leur nature ni de leur quantité. Cinq minutes, un quart d’heure, une heure par  jour ? Il n’est peut-être pas nécessaire pour un bébé de patienter un quart d’heure pour téter afin de véritablement connaître une insatisfaction. En fait, nous touchons là du doigt la difficulté et la complexité de l’ajustement des parents, et plus particulièrement de la mère, à leur enfant. Peut-être faut-il tout simplement admettre que les professionnels, aussi compétents et diplômés qu’ils soient, ne peuvent pas développer la même capacité à interpréter les milles et unes situations que vivent tous les jours les parents avec leurs jeunes enfants. Et dire une généralité aussi vague que « il faut que le bébé apprenne à attendre » ou «  la mère doit différer sa réponse pour que le bébé puisse la sublimer », ne veut en fait rien dire. Curieusement, dans les sociétés où les bébés vivent en symbiose avec leur mère, les enfants connaissent souvent des situations exigeantes et contraignantes. Très tôt, les petites filles africaines s’occupent de leurs petits frères, cherchent de l’eau, et s’occupent de travaux que jamais une petite française n’aura à assumer au même âge. Une fois encore, l’observation sur une large échelle contredit les propositions de nos psychologues modernes. Ce n’est pas en limitant le nombre de tétées et la proximité nocturne à un an que l’on résoudra le problème de l’incivilité de nos adolescent. Chaque chose en son temps. Limiter la proximité mère-bébé pourrait même conduire les enfants à ne pas supporter les frustrations ultérieures, en ne leur permettant pas de faire le plein d’attachement quand il est temps pour eux de le faire. Un enfant rassuré sur l’engagement affectif de ses parents acceptera mieux leurs exigences, ou les exigences sociales futures inévitables. Il aura bien le temps d’être confronté à une limitation de la proximité. Les occasions d’attendre viennent toutes seules, inutile de les provoquer : ainsi en est-il de la mère qui mouche son aîné avant de donner le sein à son bébé, ou qui le pose cinq minutes par terre pour prendre sa douche ou éplucher des pommes de terre. Cela peut être aussi une course de la mère qui laisse le bébé avec son père, ou la reprise d’une activité professionnelle. L’omnipotence d’un bébé qui assouvirait tous ses désirs et développerait de cette façon une individualité égocentrique, est un fantasme de psychologue : ce bébé n’existe pas, même dans les campagnes les plus reculées du monde.

 

Quand on doit quitter son bébé pendant quelques nuits

On vous propose de suivre une formation à 500 km de chez vous, et vous hésitez. Que va devenir mon bébé si je m’absente ? Tout va dépendre de son âge. Avant six mois, des séparations de plus d’une journée sont à mon avis à éviter. Annie est partie une semaine en vacances avec son mari pour retrouver une vie de couple « normale » alors que leur fils Pierre avait six mois (Pierre était encore allaité). Laissé à la garde de sa grand-mère qu’il connaissait bien, le bébé n’a pas semblé souffrir de l’absence de sa mère. Celle-ci a passé une bonne partie de ces vacances « de rêve » à penser au bébé et à son retour. Ce qu’Annie n’avait pas prévu c’est qu’au retour, le bébé a refusé, et pour toujours, de téter. Elle s’en souvient encore avec une grande tristesse.

Après la première année, le bébé pourra mieux supporter une nuit sans sa mère. Dépasser cette durée est sans doute prématuré pour la plupart. Là encore, il faut s’adapter à son enfant, évaluer ses capacités. Ce n’est pas toujours facile, d’autant plus que chaque enfant est différent.

Il peut arriver que vous n’ayez pas le choix : vous devez partir, le bébé ne peut pas venir avec vous. Il est possible tout de même de rendre les choses plus faciles. Bien souvent les bambins qui sont habitués à dormir avec quelqu’un auront besoin de la proximité d’un adulte quand l’un des parents s’en va. Dans le cas du lit familial, il sera plus facile de passer ce cap difficile, puisque l’un des parents reste. C’est également vrai quand c’est un autre adulte que les parents qui s’occupera du bébé. Juliette qui devait s’absenter une nuit avec son mari, avait laissé sa fille Axelle alors âgée de deux ans (encore allaité et dormant fréquemment avec ses parents) à la garde d’une amie. Cette dernière avait suivi les recommandations de Juliette et disposé un petit matelas à côté de son propre lit. Quand Axelle s’est réveillé la nuit, comme d’habitude, il a suffit de lui dire « Maman n’est pas là, rendors-toi » pour qu’elle se rendorme immédiatement. Nous avons souvent des témoignages de parents très étonnés de voir comment leur bambin qui d’habitude dort peu et se réveille fréquemment chez eux, semble profiter d’un séjour chez une grand-mère pour passer une nuit complète sans rien demander. C’est bien la preuve que les réveils sont destinés à entrer en relation avec les parents : ceux-ci absents, les réveils ne se justifient pas de la même façon. C’est également l’observation qui est souvent faite chez l’assistante maternelle ou la crèche : le bébé qui est moins stimulé d’un point de vue relationnel (car rien ne peut se comparer à l’intensité de la relation avec sa mère ou son père) dort bien plus longtemps que chez lui.


 


[1] bien que cela ne soit absolument pas la règle dans le reste du monde, et que l'OMS recommande d'allaiter deux ans ou plus.