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Les fonctions de second rang
L'homme doit bénéficier de stimulations variées pour se développer harmonieusement. Il est possible de définir des fonctions de second rang, qui, si elles ne sont pas rapidement réalisées, ne mettent pas pour autant la vie de l'individu en danger, du moins de façon évidente et immédiate.
 
-Stimulation tactile
Ashley Montagu (146) insiste sur le traumatisme que peuvent vivre les bébés privés de stimulations tactiles en quantité et en qualité suffisantes. Cet auteur a souligné le rôle général joué par la peau, organe de communication proximale par excellence, qui est opérationnel dès la naissance. La vue et l'ouïe sont alors encore peu développés et ne prennent de l'importance que petit à petit. Il soutient également que la peau reste le sens le plus vigilant durant le sommeil, et qu'il est le premier à se réveiller. Enfin être tenu, porté, bercé joue selon cet auteur un rôle déterminant dans le développement du sommeil de l'enfant et de l'adulte qu'il deviendra plus tard. Didier Anzieu, avec son concept de Moi-peau insiste également sur l'importance des contacts corporels pour l'instauration d'un attachement de bonne qualité et pour jeter les bases d'une construction satisfaisante de la personnalité (147). Ces éléments permettent de conclure à l'intérêt du lit partagé qui favorise évidemment un contact corporel étroit pour fournir des stimulations tactiles aux bébés. Nous savons bien que les bébés cherchent tous à se blottir, et qu'un espace trop grand ne leur convient pas du tout. Or le bébé ne naît pas équipé d'un berceau, mais bien plutôt d'une mère attentive qui est le support idéal contre lequel se pelotonner. Une fonction du sommeil partagé serait donc de stimuler les sens tactiles du bébé.
 
- Satisfaire le besoin d'attachement du bébé
Les mères le savent depuis la nuit des temps, et certains psychologues à la suite de J. Bowlby qui l'a scientifiquement analysé en 1960, l'ont également compris : le bébé naît avec une capacité à mettre en place puis à développer une chaîne de comportements dits " d'attachement " innés. Cet ensemble de comportements d'attachement est indispensable pour qu'il puisse se développer de façon optimale. En effet, pour arriver à cette fin le bébé doit être capable de développer un lien privilégié avec un ou quelques adultes, en premier lieu la mère chez les mammifères. Cette capacité s'exprime par toute une série de comportements qui ont comme fonction de maintenir une proximité entre le bébé et sa figure d'attachement. Ces comportements se répartissent en activités motrices (sourire, s'agripper, faire des mouvements de succion, téter, s'agiter, appeler, pleurer, plus tard suivre,….) mais aussi en dispositions psychoaffectives (ressentir du plaisir à " être avec ", développer des sentiments positifs spécifiques vers une ou quelques personnes choisies). Si J. Bowlby semblait n'attribuer de capacité d'attachement au bébé qu'au bout de quelques mois, les études récentes montrent que le nouveau-né est déjà capable d'orienter le comportement de sa mère et de la maintenir à proximité dès ses premiers instants de vie, même s'il est vrai qu'à ce très jeune âge, la capacité maternelle à s'attacher à son bébé a sans doute un rôle prépondérant dans le maintien d'une proximité mère-bébé suffisante. Si les réponses maternelles sont inadaptées (manque de rapidité, ignorance des appels, rejet de l'enfant, …), le bébé aura dans un premier temps des réactions qui toutes ont comme finalité le rapprochement de cette figure d'attachement.
Ce besoin de proximité est permanent pour les jeunes enfants, qui supportent très mal l'isolement, y compris pour de courtes durées, y compris (et peut-être surtout) la nuit. Il est donc tout à fait normal qu'un bébé souhaite rester à proximité de sa mère ou d'un adulte familier la nuit. Permettre à un bébé de dormir avec sa mère, s'est donc satisfaire son besoin de proximité et développer au mieux son attachement avec elle, en lui permettant de renforcer le lien qui l'unit à sa mère.
 
- Rassurer la mère et renforcer son attachement
Aux compétences du bébé présentées ci-dessus doivent répondre des compétences maternelles. Il est trivial de proposer la proximité physique comme élément indispensable pour la mère pour faire connaissance avec son nouveau-né, et, en établissant un contact étroit avec lui, de s'y attacher . La sagesse populaire l'a bien compris, et depuis longtemps : " loin des yeux, loin du cœur ". C'est encore plus vrai pour un nouveau-né, avec lequel la mère n'a pas encore eu le temps de construire une histoire et des souvenirs qui cimentent les relations. En cas de séparation, l'esprit de la mère ne peut se nourrir d'aucun souvenir et la relation charnelle doit occuper pratiquement tout l'espace mental.
De nombreuses mères ressentent le désir, voire le besoin, de rester auprès de leur bébé, dès la naissance ; c'est à dire qu'elles se sentent malheureuses ou inquiètes quand leur bébé n'est pas avec elles. S'il est vrai que dans nos sociétés modernes des dangers tels que prédateurs ou intempéries ne sont plus à craindre, d'autres raisons expliquent cette crainte permanente que les parents, et surtout la mère, éprouvent pour la sécurité de leur bébé et de leurs enfants. Les psychologues comme D. Stern (148) ont bien compris cet investissement tout à fait particulier de la mère pour son jeune enfant. Ce dernier pense que la mère subit à la naissance de son bébé des modifications profondes de son architecture mentale. Celle-ci se reconstruit selon le schéma de la " constellation maternelle " qui oriente les préoccupations maternelles profondes vers son enfant (au détriment des préoccupations antérieures, pour sa vie sociale ou relationnelle). La peur que son bébé ne tombe brutalement malade, en particulier chez nous la peur de le voir succomber au syndrome de la Mort Subite du Nourrisson, la peur toute simple de sa mort, occupe alors l'esprit de la mère quels que soient les arguments opposés à de telles craintes irraisonnées. Rester auprès de son bébé, dormir auprès de lui est alors pour la mère une bonne façon de le protéger au maximum et le seul moyen de la rassurer totalement. Il est probable que ce désir de proximité est profondément inscrit en chacune des mères, et qu'il s'agisse là d'un instinct qui réponde au besoin d'attachement du nouveau-né. Sa fonction au niveau de l'espèce est évidente : il s'agit là de la meilleure protection possible pour le bébé et du meilleur moyen d'assurer le développement de la génération suivante. Car quelque soit les compétences et la sollicitude des professionnels qui entourent au moment de la naissance la mère, aucun ne pourra jamais la remplacer.
Enfin, en permettant aux parents de se reposer, le sommeil partagé favorise la bonne prise en charge du bébé durant la journée. Des mères épuisées par des nuits hachées dans le cas d'un bébé dormant (et se réveillant) au loin, sont en effet moins vigilantes, et parfois même au bord de la crise de nerf. De grandes campagnes de prévention ont lieu actuellement pour prévenir le syndrome du " bébé secoué " . Un bébé calmé par la présence rassurante de sa mère, une mère reposée, sont certainement des éléments qui préviennent l'énervement de l'un comme de l'autre. De même la maltraitance est un sujet de préoccupation majeur dans nos sociétés. Partager le sommeil de son enfant et favoriser le lien parents-enfant est certainement une mesure de prévention à reconnaître et à valoriser.
 
- Rassurer le père et renforcer son attachement
Il n'a pas été ici souvent question du père et de sa spécificité auprès de son bébé. Pourtant il joue un rôle de plus en plus valorisé auprès de ses jeunes enfants dans les sociétés modernes. Une étude menée en Angleterre a montré que les pères qui dormaient avec leur bébé de façon régulière appréciaient le contact intime avec leur bébé. L'auteur suggère que le père rattrape ainsi un peu d'intimité et diminue l'exclusion qui découle de l'allaitement au sein (53).
 
- Favoriser la synchronisation des rythmes de chacun (parents et enfants) et la stimulation du bébé
L'adulte qui dort avec un bébé verra son rythme de sommeil se calquer sur celui de son bébé. Cela est particulièrement intéressant quand l'enfant se nourrit la nuit. Quand le bébé commence à s'agiter dans son sommeil (mouvement des bras et des jambes, mouvement de succion, petits cris, gémissements,…), la mère qui l'allaite et dort auprès de lui est progressivement réveillée, et pourra donner le sein en se tournant vers lui, dans un demi-sommeil. Tous les deux se rendormiront en même temps, et ainsi de suite au fil des tétées. Bien souvent le bébé ne sera pas complètement réveillé, la plupart du temps il ne pleure même pas, et ne réveillera personne. Les observations directes de Mosko et Mc Kenna (149) ont permis de connaître l'architecture des éveils du bébé et de sa mère lors de leurs sommeils nocturnes, et de repérer leurs éventuels recouvrements (tableau 13).

Nuit 1 (sommeil partagé en laboratoire)

Nuit 2 (sommeil solitaire en laboratoire)

Groupe 1 (sommeil partagé habituel)

70%

32%

Groupe 2 (sommeil solitaire habituel)

50%

27%

Tableau 13 : Taux des éveils quasi-simultanés
 
Là encore, non seulement il apparaît clairement que la proximité favorise la synchronisation des réveils mères-bébés, mais encore que cette aptitude s'élabore au fil du temps. En effet, quand les bébés passent une nuit en laboratoire avec leur mère, des différences existent qui distinguent les bébés qui ont l'habitude de dormir avec leur mère de ceux qui dorment habituellement seuls. Les premiers ont des réveils quasi-simultanés plus fréquents que les seconds : ils ont développé là une capacité, et dans ce sens là on peut parler d'apprentissage. A distance l'un de l'autre, les deux organismes que sont la mère et son bébé, ne peuvent évidemment interagir. Le manque de proximité induit donc une absence de relation et un déficit au niveau de la synchronisation. D'une façon plus générale et que l'on pouvait facilement prévoir, le bébé qui dort avec sa mère a un sommeil plus léger et se réveille plus souvent à cause des bruits, mouvements, contacts divers. Cette stimulation peut avoir des conséquences très positives pour la santé du nourrisson (voir plus loin).
 
- Rassurer le bébé quand il se réveille
Nous avons vu que les réveils des jeunes enfants étaient fréquents, et que cela était tout à fait banal, voire normal. Or bien souvent, quand le bébé est réveillé et qu'il dort seul, il appelle jusqu'à ce qu'un adulte, de préférence sa mère quand il est jeune, arrive et le calme. Se réveiller permet au jeune enfant de s'assurer de la présence de sa mère et de l'appeler si elle n'est pas à ses côtés. Avoir un sommeil de plomb serait peut-être tout simplement dangereux pour le bébé : il est en effet vital pour lui de s'assurer en permanence de la présence d'un adulte, ne serait-ce que pour s'alimenter. Les réveils sont alors un des moyens qu'ont les bébés de renforcer cette proximité indispensable. Dès que celle-ci est réalisée, le bébé est immédiatement apaisé et se rendort très vite (parfois le contact cutané ou la tétée sont nécessaires). De nombreux parents répondent ainsi à leur bébé dans un mouvement quasi automatique, et les auteurs favorables au sommeil solitaire se plaignent souvent du manque de rigueur des parents, qui cèdent à leur enfant trop facilement et ne lui permette pas de se rendormir seul.
 
Les bébés qui dorment contre leur mère ou un autre adulte rassurant se réveillent en fait à peine. A la moindre alerte (mouvements plus rapides, gémissements, bruits de succion,…), l'adulte répond à l'enfant pratiquement sans se réveiller, d'une façon quasi réflexe, en se rapprochant de lui, en le caressant de la main, en lui donnant le sein, etc. ce qui apaise instantanément le bébé qui n'a finalement pas le temps de se réveiller complètement.
Les bébés qui dorment ainsi font sans doute peu de cauchemars. Les terreurs nocturnes sont également rares, de même que les mouvements de balanciers décrits plus haut. Tous les leurres que nous avons présentés comme indispensables pour instaurer le sommeil solitaire sont inutiles. S'il arrive qu'un bébé ait peur, il sera très vite rassuré par sa mère, et se rendormira aussitôt profondément.
 
- Des bénéfices pour la santé du bébé ?
On l'a déjà dit, la proximité favorise l'allaitement. Donc la santé du bébé, car l'allaitement maternel est l'un des facteurs qui assure à celui-ci les meilleures conditions pour une croissance, un développement et une santé harmonieuse. Rappelons que dans cette optique, l'OMS et l'UNICEF recommandent d'allaiter deux ans ou plus, dont six mois exclusivement.
La proximité du bébé avec un adulte permettra à celui-ci d'être plus rapidement alerté en cas de fièvre ou autres symptômes (toux, rhume, difficulté à respirer, érythème fessier, régurgitations, …). Il sera alors possible d'intervenir instantanément en ayant une compréhension la plus rapide possible de la raison des pleurs de l'enfant.
Dans le cas du sommeil solitaire, les pleurs d'un bébé à qui il arrive de manifester ainsi son besoin de proximité (ce qui arrive souvent nous l'avons vu), ne seront pas immédiatement interprétés comme un signal d'alerte.
Certains évoquent les dangers du lit partagé : Mort Subite du Nourrisson, risque de chute, d'étouffement, etc. Nous y revenons en détail plus loin.
 
- Des bénéfices pour la santé de la mère
C'est clairement la méthode qui repose le plus la mère. Elle n'aura pas à se lever pour donner le sein, et son sommeil sera bien moins saccadé que dans le cas d'un bébé dormant dans une autre pièce par exemple. Et même si la fréquence et la durée des tétées nocturnes augmentent en cas de sommeil partagé, les bénéfices l'emportent très largement : mieux vaut donner plus de tétée allongée, dans un demi-sommeil, que se lever peut-être moins souvent mais à chaque fois se réveiller complètement et avoir plus de mal pour se rendormir. De plus, cette fréquence élevée des tétées nocturnes assure une production de lait facilité, et équilibre ainsi les journées : pour arriver au même résultat, les bébés moins allaités la nuit devront téter plus le jour.
En permettant des naissances espacées, l'allaitement évite la fatigue consécutive à des naissances rapprochées, et diminue le risque d'avoir un bébé de petit poids de naissance. Ce bénéfice n'est pas réservé aux populations économiquement défavorisées, où qui n'ont pas d'autres moyens contraceptifs à leur disposition. Il existe aussi chez nous des mères fatiguées par des naissances rapprochées.
 
- Adaptation optimale
La conclusion qui s'impose à la suite de cette énumération peut s'exprimer en affirmant que le sommeil partagé est tout simplement l'arrangement nocturne le mieux adapté au nourrisson ; cet arrangement répond parfaitement à ses capacités et à ses besoins, mais il facilite également l'établissement de la relation mère-bébé et la prise en charge du bébé par son entourage. Les considérations pratiques sont souvent ignorées des spécialistes, alors qu'elles ont une importance considérable pour les familles et leur vie quotidienne. Le fait que le sommeil partagé facilite la vie nocturne des familles devrait toujours être pris en compte quand des conseils sont proposés.

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