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Les difficultés courantes rencontrées par le bébé occidental
 
Pour de nombreuses raisons, qui tiennent en grande partie aux besoins irréductibles du bébé que nous avons commencé à évoquer, les parents vont se heurter à des difficultés. D'une façon générale, et même si cela n'est pas toujours clairement explicité, le sommeil solitaire est, sinon la réalité pour les enfants identifiés comme ayant des difficultés de sommeil, au moins la norme pour les auteurs des études comme pour de nombreux parents.
Ces problèmes de sommeil sont une cause fréquente de consultations chez le pédiatre. Il n'est peut-être pas exagéré de dire qu'une grande majorité des parents a, un jour ou l'autre, rencontré des problèmes de ce type avec un ou plusieurs de leurs enfants : difficulté à s'endormir seul, réveil nocturne, pleurs, cauchemar, réveils jugés trop matinal, etc.
 
- Réveils nocturnes
Les réveils nocturnes et les difficultés d'endormissement sont très certainement la plus grande difficulté à laquelle les parents se trouvent confrontés en ce qui concerne le sommeil de leurs enfants. S'il est désagréable de devoir recoucher indéfiniment un jeune enfant qui a du mal à s'endormir, il est franchement déstabilisant et fatigant de devoir se réveiller brutalement, pour s'occuper d'un bébé qui pleure on ne sait pourquoi. Très souvent, les problèmes d'endormissement sont associés à des problèmes de réveils nocturnes : les auteurs d'études sur ce dernier point incluent le plus souvent les deux items sous le même terme de " difficultés de sommeil ", sans toujours les distinguer, tant ils sont liés.
Mais tout d'abord, que nomme-t-on " réveil nocturne " et comment est décrit le sommeil des enfants sous cet angle? Certains auteurs s'attachent à compter le nombre de réveils sur une certaine période définie (comme par exemple le nombre de réveil entre 24h et 6h). D'autres auteurs évaluent la durée de la plus grande période de sommeil. Très souvent les études classent les enfants en " bon dormeur " et en " mauvais dormeur ". Cette dernière catégorie concerne par exemple les enfants qui se réveillent au moins 4 nuits par semaine (57), ou ne dormant pas six heures d'affilée (65). En général ce sont les réveils des parents (par leur enfant), c'est à dire les signaux perçus par les parents qui sont comptabilisés. Certaines études menées par enregistrement d'une bande vidéo ou d'autres systèmes de mesures montrent en effet que les enfants se réveillent tous, et que certains se rendorment sans aide extérieure, alors que d'autres " signalent " leur réveil à leurs parents (66 ,67) ; les parents interrogés font état de nettement moins de réveils (68).
Les réveils nocturnes, leur fréquence sur une période donnée, sont étudiés dans une population donnée en fonction de l'âge des enfants observés (coupe transversale de la population). Des taux parmi la population générale seront alors calculés (tableau 9, 10 et 11). Certaines études longitudinales s'attachent à observer le développement du comportement nocturne des enfants sur plusieurs mois. Les propos des pédiatres sont également analysés comme source d'information (69). Enfin on essayera d'observer quels comportements peuvent être associés à ces réveils.
Très souvent, l'environnement de l'enfant, et en particulier l'emplacement de son lit, la présence ou non d'autres personnes dans la chambre par exemple, ne sont pas précisés. Il est raisonnable de penser que le sommeil solitaire est habituel et qu'il s'agit de l'organisation nocturne habituelle chez ces familles, y compris quand des épisodes de lit partagé sont rapportés.
 

Age

Observation (taux de réveils)

Pays/ethnie

Réf

3 mois

46%

Israel

70

6 mois

39%

Israel

70

6 mois

50% occasionnels31% 4 nuits/semaines ou +

Angleterre

57

5 mois

21.5%

Allemagne

51

0-6 mois

Entre 1 à 5,1 tétées nocturnes

Suède

71

5 mois

25.5%-48% problèmes de sommeil

Finlande

72

5 mois

15.1%-19.1% problèmes de sommeil

Allemagne

72

0-3 mois

65% ne dorment pas 6 heures d'affilé

Finlande

65

8 semaines
(bébés allaités)

77% se réveillent au moins 1 fois entre 0H et 5H

USA

73

0-12 semaines

50% des nuits interrompues entre 2H et 6H

Angleterre

74

3 mois

30% ne dorment pas 5-6H d'affilée

USA

75

6 mois

17% ne dorment pas 5-6H d'affilée

USA

75

3 semaines

90% des bébés réveillent leurs parents

USA

76

3 mois

50% des bébés réveillent leurs parents

USA

76

Tableau 9 : Problèmes de sommeil entre 0 et 6 mois
 

Age

Observation

Pays

Réf.

9 mois

58%

Israël

70

12 mois

55%

Israël

70

9 mois

28% (+ de 7 réveils/semaine)

USA

77

12 mois

55-60% de réveils

Israël

78

9 - 12 mois

28% ne dorment pas 6 heures d'affilée et 47% se réveillent une ou deux fois par nuit

Finlande

65

12 mois

10% ne dorment pas 6 heures d'affilée

75

6 mois

13% ne dorment pas d'une traite entre 24h et 5h

France

78

12 mois

17% ont problèmes de sommeil

Angleterre

79

9 mois

27% (+ de 7 réveils/semaine)

USA

80

8 mois

50% signalent

USA

76

Tableau 10 : Problèmes de sommeil entre 6 et 12 mois
 

Age

Observation

Pays

Ref.

1-12 mois

77% des nuits avec réveil

Nouvelle Zélande

81

4 mois - 4 ans

35% ont des réveils réguliers

Israël

82

6-18 mois

30% de réveils fréquents

Suède

83

6 mois - 4 ans

30 % de difficultés de sommeil

USA

61

0-3 ans

15 à 35 % de difficultés

Nouvelle Zélande

84

6 mois - 3 ans

53% de réveils nocturnes, 15% + de 9/semaine

France, Espagne

50

15 mois

41% difficultés de sommeil

US

60

+ de 3 ans

35% difficultés de sommeil

US

60

1 an-2 ans

21-38% de réveils

France

85

3 ans

20-35% des enfants se réveillent

France

86

2-3 ans

60% de réveils

France

87

20 mois

21.8% de réveils

Allemagne

51

56 mois

13.3% de réveils

Allemagne

51

16-24 mois

9% troubles endormissement19% plus de 3 réveils nocturnes par semaine, 44% les deux

France

19

Tableau 11 : Problèmes de sommeil entre 0 et 4 ans
Que conclure de cette cascade de chiffres, qui varient de 15% à 75% d'enfants se réveillant la nuit ? Que les variations sont en partie le fait des définitions très diverses qui sont utilisées : une majorité d'enfants réveillent parfois leur parent, une minorité les réveillent très fréquemment (au moins une fois par nuit pratiquement toutes les nuits) ? Que les nuits hachées par des réveils ne sont pas l'apanage des bébés (ou des moins de 6 mois) : à 4 ans, les jeunes enfants réveillent encore souvent leurs parents.
 
- Comportements associés aux réveils
Le mode d'alimentation semble associé aux réveils de plusieurs façons. Tout d'abord, des prises de nourritures, que cela soit au sein ou au biberon, au moment de s'endormir, semblent associées aux appels nocturnes des bébés (88, 50, 90). Les enfants mal nourris ont leur plus longue période de sommeil diminuée (89). Les bébés allaités au sein se réveillent plus souvent que les bébés alimentés au biberon (91, 92, 50, 93, 94, 72). D'après André Kahn (37), la proportion des bébés se réveillant est deux fois plus importante chez les bébés allaités que chez les bébés au biberon. Une étude sur la fréquence des tétées au Danemark a montré que 100% des bébés entre 0 et 6 mois allaités se réveillaient la nuit pour au moins une tétée. Un autre auteur souligne que les bébés allaités n'ont pas de schémas de sommeil réguliers (86). Enfin la fameuse introduction des céréales dans le biberon du soir très souvent proposée pour caler le bébé ne semble pas avoir d'effet sur le sommeil (87).
L'association entre présence parentale à l'endormissement et réveils nocturnes pour des enfants de 9 mois a été démontrée ; dans le même ordre d'idée, à 3 mois et à 6 mois, les bébés posés endormis dans leur berceau ont plus de chance de se réveiller la nuit que les bébés posés réveillés (76) et qui se sont endormis tout seul.
Si une étude souligne qu'il n'y a pas d'association entre maladie et réveil (82), une autre montre que les enfants souffrant de Reflux Gastro-Oesophagien se réveillent plus souvent que les enfants indemnes (97).
Des études longitudinales ou rétrospectives montrent que les enfants qui se réveillent jeunes, ont tendance à rester des enfants dont le sommeil est perturbé (51, 98, 62)
 
Devant ces réveils, quelles sont les réactions des parents ? Il leur arrive souvent de prendre l'enfant avec eux dans leur lit : 15% le font très souvent, 34% parfois (57). Dans les classes moyennes, les parents laissent plus volontiers pleurer le bébé (79). Les problèmes nocturnes sont associés à des sentiments négatifs de la mère vis à vis de son enfant (79, 99). Une étude a montré un lien entre le tempérament de l'enfant et les difficultés de sommeil (66) alors qu'une autre assure qu'il n'y en a aucun (100). La qualité de l'attachement mère-bébé ne semble pas affecté par les réveils nocturnes selon une étude israélienne (101).
En Finlande, 8.5% des mères sont perturbées par les problèmes de sommeil de leur bébé (65). Une autre étude montre qu'elles sont 17% à considérer qu'il y a un problème, quand 53% des bébés connaissent des réveils nocturnes (50) ; pour 73% d'entre elles, le problème est important. Alors que dans une autre étude menée aux USA, 40% des enfants connaissent des troubles du sommeil, 20% des mères seulement expriment avoir là une difficulté. La proportion passe à 30%, alors que les difficultés de sommeil ne concernent plus que 35% des enfants âgés de plus de trois ans (60). En Allemagne, alors qu'entre 21.5% et 13.3% des enfants se réveillent, les parents sont entre 14% et 7% à s'inquiéter. Toujours en Allemagne, les problèmes de sommeil sont reconnus comme un élément de difficulté éventuelle pour les familles (102) se concluant par une demande de prise en charge thérapeutique. En France, si 72% des enfants de 18 mois ont des troubles du sommeil, seul 47% des parents s'en plaignent (19). Toujours en France, selon les auteurs, entre un parent sur 10 et un parent sur 5 consulte le pédiatre pour un problème de sommeil (85, 103).
Il est à noter donc que les réveils ne sont pas systématiquement identifiés comme des problèmes par les parents et que ce comportement est accepté d'autant plus facilement que l'enfant est jeune.
 
- Réveil et séparation
D'après l'ensemble de ces chiffres, force est de constater que réveils nocturnes et sommeil solitaire (comme norme sociale au moins) sont associés. En effet, les populations qui pratiquent le sommeil partagé, et bien souvent le lit partagé, ne semblent pas rencontrer nos difficultés, en tous cas pas avec l'envergure que nous leur connaissons. Très peu de données quantitatives sont disponibles, qui permettent une comparaison directe des difficultés de sommeil selon que les enfants dorment seuls ou avec un de leur parent. A ma connaissance, la seule étude interculturelle quantitative traitant de cette question a été menée par H. Stork. Utilisant les mêmes indicateurs sur trois terrains, elle montre de façon claire que là où le sommeil partagé est la norme (c'est à dire à Taïwan et au Japon), les problèmes de sommeil sont bien moins fréquents (respectivement de 57%, 27% et pour la France de 72%, 34). Le nombre impressionnant d'études scientifiques traitant de cette question chez nous est déjà en soi un fait révélateur. Comme nous l'avons déjà vu, nous avons tendance chez nous à associer sommeil partagé et difficulté de sommeil. En effet, le sommeil partagé est dans notre société une solution adoptée par les parents quand ils font face à des pleurs nocturnes, car c'est une excellente façon de diminuer ces derniers. Mais l'enchaînement logique est peut-être bien celui-ci : le sommeil solitaire entraîne des pleurs qui entraînent un sommeil partagé. Se limiter à la deuxième étape, comme le font souvent nos experts, ne permet pas de prendre la mesure du problème et conduit à une compréhension erronée de notre situation comme à des solutions peu adaptées.
 
- Cauchemars
Les cauchemars sont également courants chez les enfants qui dorment seuls, et souvent présentés comme normaux par les puériculteurs occidentaux. Contrairement aux réveils nocturnes, leur fréquence n'a pas fait l'objet de nombreuses études ; ils sont cependant un passage obligé de n'importe quel manuel de puériculture occidental, et présentés comme inévitables, voire même comme indispensables. Ils sont en général calmés par l'intervention des parents. Les terreurs nocturnes elles, sont beaucoup plus impressionnantes, car l'enfant ne se réveille pas et il devient difficile de le calmer. Je n'ai pas rencontré de description de phénomènes analogues chez les jeunes enfants dans d'autres cultures.
 
- Biberons
Chez nous, sommeil solitaire et utilisation du biberon vont de pair. Les bébés sont peu souvent allaités au sein, et quand ils le sont, c'est pour de très courtes durées. Or les substituts du lait maternel (lait industriel, eau sucrée, sirop, etc.) qui remplissent les biberons présentent parfois certains inconvénients à être donnés trop souvent, en particulier la nuit, surtout si l'enfant garde le biberon dans la bouche pour s'endormir. Ces liquides sucrés ne sont pas parfaitement adaptés au bébé comme l'est le lait de sa mère. Leur consommation peut alors être considérée comme excessive, et avoir des effets néfastes sur l'enfant. Ce qui n'est jamais le cas du bébé allaité par sa mère, quelle que soit la fréquence des tétées. Il convient alors, selon les experts et pour les bébés qui ne sont pas allaités, de limiter l'utilisation des biberons nocturnes. Mais les comportements fondamentaux humains sont profondément inscrits en chacun de nous. Associer l'alimentation à la sécurité, voire même à la sécurité affective, est dans l'ordre des choses. C'est exactement ce qui se passe avec l'allaitement maternel : donner le sein, c'est donner à boire et à manger et en même temps sécuriser. Il est alors normal que même les bébés non allaités soient apaisés par un biberon. Il est également normal que les mères, même non allaitantes, aient le réflexe de proposer un biberon quand leur bébé pleure la nuit. On voit ici que l'addition " sommeil solitaire " plus " alimentation au biberon " entraîne un certain nombre de difficultés pour les parents et leurs enfants.
 
- Rituels, objets de transition, leurres
Des rituels sont souvent instaurés, qui ont comme fonction d'apaiser l'enfant en lui donnant des repères familiers. Il s'agit par exemple de lire un livre, de raconter une histoire, de suivre un ordre précis pour les actes précédant la mise au lit (aller aux toilettes, boire un dernier verre d'eau, enlever une robe de chambre et des chaussons, fermer les rideaux, etc.), d'échanger quelques caresses, etc. L'utilisation par l'enfant d'un " objet de transition " , véritable substitut maternel est un élément essentiel à ce rituel d'endormissement. Cet objet sera nécessaire (mais pas toujours suffisant) à l'endormissement du bébé comme à son ré-endormissement solitaire lors des réveils nocturnes. Par exemple, il aura besoin d'une sucette, pour lui permettre de satisfaire un besoin de succion non satisfait par des tétées espacées elles-mêmes induites par la mise à distance du bébé. Cela pourra être également un morceau de tissu, qui pourra être tété, caressé, senti, trituré. D'autres objets pourront être utilisés : mobiles (élément décoratif en mouvement), veilleuse ou boite à musique.
Ces rituels peuvent être longs, et bien souvent l'enfant en aura besoin durant un long moment jusqu'à l'endormissement. Les adultes se sentent parfois piégés et passent beaucoup de temps à ramasser la tétine, remettre la peluche dans les bras. Omniprésent et omnipotent dans notre société, totalement accepté et intégré dans les théories psychologiques modernes, le fameux doudou finit par paraître comme naturel et devient un compagnon obligatoire, sous peine de détresse infantile. Les magazines grand-public ont tous aujourd'hui leur rubrique " recherche doudou " qui permet aux parents de retrouver une copie conforme du précieux doudou perdu. Il est devenu l'expression même de la " permanence de l'objet d'amour " dont semble avoir tant besoin le jeune enfant, et sans lequel il ne s'endormira pas. Ces bouts de chiffon sont pourtant totalement inconnus dans la plupart des sociétés humaines (104, 105). Et deux études ont montré que leur utilisation était plus fréquente chez les enfants dormant seuls que ceux partageant le lit d'un adulte (106, 19).
Tous ces objets dont se trouve entouré le bébé, appelés par Peretz Lavie (107) des " auxiliaires de sommeil " sont en fait des leurres : leur objectif est de tromper le bébé, en lui proposant une impression de bruit, d'agitation et de lumière censée satisfaire un besoin profond de proximité avec un adulte (voir plus loin).
Ces rituels ne comprennent ni la tétée au sein ni le contact corporel prolongé jusqu'au sommeil, puisque je considère ces deux actions comme physiologiques et s'appuyant en grande partie sur l'inconscient des deux partenaires (ce que ne sont pas les rituels qui restent du domaine de l'action réfléchie et volontaire). S'ils étaient considérés comme des rituels, ces comportements devraient cependant être clairement distingués des autres, de part leur nature tout à fait différente.
 
- Mouvements cadencés
Pour remplacer l'absence de stimulation et de contact, les bébés adopteront souvent des mouvements de balancier dans leur sommeil. A quatre pattes dans leur lit, ils impriment à leur corps un mouvement pendulaire d'avant en arrière, mouvement qui semble littéralement les étourdir. Ces mouvements impressionnent parfois les parents, car l'enfant peut se cogner relativement fort contre le lit, suffisamment parfois pour le déplacer. Dans les cas extrêmes, l'enfant pourra même se blesser, ce qui amène en général les parents à consulter. Il s'agit sans doute pour le bébé de remplacer le manque de stimulations par des mouvements cadencés qui entraînent une stimulation vestibulaire .
 
D'une façon générale, que cela soit par la présence d'un objet transitionnel et les mouvements rythmés, l'enfant apprend à se satisfaire lui-même par des activités autocentrées et cherche ainsi à satisfaire des besoins physiologiques et psychologiques fondamentaux. Comme il ne peut le faire de façon naturelle (avec sa mère par exemple), il élabore toute une série de comportements artificiels qui, contrairement aux comportements naturels, ont des effets secondaires négatifs importants.