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Le sommeil partagé : une option à défendre
 
Dans le climat hostile au sommeil partagé qui est banal chez nous, il me semble important pour ceux qui voudraient dormir avec leur bébé, que cela soit de façon ponctuelle ou toutes les nuits, comme pour les professionnels curieux et intéressés qui souhaitent les accompagner, de discuter les nombreux arguments opposés à cette pratique.
 
Mais tout d'abord, de quel comportement s'agit-il ? Ce que nous appelons ici " sommeil partagé " recouvre en fait une multitude de possibilités, qui vont du lit familial (l'enfant dort dans le même lit que ses deux parents), à la chambre familiale (l'enfant dort dans la chambre des parents mais pas dans leur lit), en passant par le sommeil partagé mère-bébé (le père ne dort pas avec eux) et des situations où l'adulte présent n'est pas un des deux parents. Ces pratiques peuvent se succéder dans le temps, être occasionnelles ou fréquentes. Il peut être utile de garder en mémoire leur multiplicité dont le point commun est d'autoriser une certaine proximité entre le bébé et l'un au moins des adultes qui en a la charge. Les questions relatives à la sécurité du bébé m'ont paru d'une importance particulière : elles sont traitées séparément.
 
Il va prendre de mauvaises habitudes
C'est l'inquiétude la plus souvent formulée par les parents et par les professionnels. Il convient de bien expliciter les termes qui sont employés avant de discuter cette sentence.
Une habitude est un comportement qui sera adopté par la répétition d'un même environnement ou d'une même action, ici la présence d'un ou des deux parents durant l'endormissement ou le sommeil.
Nous avons vu précédemment que la proximité de l'adulte était pour le bébé un besoin, c'est à dire indispensable pour son développement normal et optimal. Donc nous pouvons assurer que dormir avec un adulte est pour le bébé un comportement naturel faisant partie de notre patrimoine héréditaire comme espèce animale avec de ce fait certainement une forte composante innée. Il n'en est pas moins vrai que la présence de l' adulte renforce le lien qui l'unit au bébé, et que ce dernier va s'habituer à cette présence rassurante : le comportement sera renforcé par son propre accomplissement. Nous avons vu que cette adaptation se lisait clairement dans certaines données statistiques, et que ce comportement est un processus en évolution constante, qui met en jeu des capacités naturelles, tant chez les adultes que chez le bébé. Il est également appelé à se modifier, puisqu'un jour vient où le bébé ne dort plus contre sa mère ou contre ses parents. La durée de vie de ce comportement est très certainement liée à des facteurs biologiques et psychologiques spécifiques à l'être humain et à son environnement. Une autre façon de le dire sera de caractériser ce comportement par ses composantes innées et ses composantes acquises.
Dans ce sens là, oui, il est vrai qu'un bébé qui dort avec un adulte va s'habituer à cette proximité, tout comme il s'habitue à téter sa mère, ou encore qu'il s'habitue à aimer ses proches, etc. C'est tout à fait visible quand un bébé, qui habituellement dort seul, est exceptionnellement invité à dormir avec un adulte. Il aura souvent du mal à dormir, tout excité par une situation jusque là inédite.
Que cette habitude ou cet apprentissage (terme moins péjoratif) soient mauvaise est par contre tout à fait sujet à discussion. En fait, l'inquiétude des parents se fonde en général sur leur souci de voir leur enfant se développer correctement ; c'est à dire évoluer pour grandir et enfin, un jour, quitter son nid. Cela est tout à fait légitime de leur part, et exprime bien leur investissement auprès de leur bébé. Mais il convient tout de même de laisser le temps à l'enfant de se développer à son rythme, sans brûler d'étapes. On sait aujourd'hui qu'il est inutile et même dangereux de dresser un bébé à être propre avant qu'il n'ait développé certaines capacités. De même, le langage deviendra progressivement son mode d'expression. Mais notre société inquiète n'aime pas attendre, et les parents donnent à la précocité trop de crédit. Donc si l'enfant, un jour, doit dormir sans ses parents, il n'y a pas urgence. Toute la question et la difficulté pour les parents est bien de savoir quand et de repérer le moment propice. Déjà peut-on les rassurer par une simple observation : y compris dans les sociétés où le sommeil partagé se fait des années durant, les enfants finissent par grandir et quitter le giron maternel.
 
Certains auteurs n'hésitent pas à mettre en garde les parents sur le conditionnement qu'ils imposeraient au bébé en le laissant dormir à leurs côtés. Certains vont jusqu'à évoquer un " mauvais câblage du cerveau " quand les parents dorment avec leur bébé. Les termes choisis ne laissent pas le moindre doute quant au jugement de leurs auteurs. Non seulement le comportement (dormir avec ses parents) est jugé comme non souhaitable, mais toute cause biologique ou psychologique naturelle de ce comportement est implicitement niée : seul l'environnement est présenté comme influant sur le comportement. L'emploi de ces termes associés au sommeil partagé n'est pas acceptable. Il s'agit ni plus ni moins que d'une perversion, dans le sens où c'est bien évidemment le sommeil solitaire qui fait l'objet d'un conditionnement, comme comportement très éloigné des besoins naturels humains, et que c'est lui qui nécessite un apprentissage très lourd et un remodelage de certains schémas basiques du type " besoin-réponse " .
Je voudrais m'arrêter ici sur le ton utilisé par certains scientifiques pour s'adresser aux parents. Il est surprenant de constater que les auteurs qui souvent se prévalent de comprendre l'être humain dans son intimité, méconnaissent les règles élémentaires de la communication. Depuis plusieurs années maintenant, les méthodes éducatives s'appuient sur une communication active entre éducateur (ou enseignant) et éduqué (ou enseigné). Il est essentiel pour communiquer de savoir écouter, se mettre à la place de la personne en face de soi, reformuler les doutes, les questions, de développer une attitude empathique et surtout ne pas la dénigrer. Les spécialistes du sommeil font pourtant souvent exactement le contraire, critiquant vivement les pratiques des parents, et présentant le comportement adapté (selon eux) dans un style négatif des plus rebutant. "Ne pas prendre le bébé dans les bras, ne pas le prendre dans le lit des parents, ne … pas, ne … pas" : aucun spécialiste en communication sur la santé n'oserait adopter une telle démarche coercitive, le B.A.BA de la communication étant de ne jamais employer la forme syntaxique négative. Les parents qui dorment avec leur bébé ne peuvent prendre ce ton que comme du mépris.
 
Enfin ces auteurs méconnaissent également le besoin de l'enfant d'explorer son environnement et de créer avec d'autres partenaires que ces parents, des liens. Car quelle que soit la sollicitude de ses parents, l'enfant élargira petit à petit son champ relationnel jusqu'à, un jour, fonder sa propre famille. Or présenter le sommeil partagé comme ne permettant pas à l'enfant de s'ouvrir aux autres c'est croire qu'un bébé livré à lui-même ne ferait que vouloir rester contre sa mère. C'est en fait le contraire qui se passe : en toute liberté, le bébé choisira de s'ouvrir vers l'extérieur en s'appuyant sur les liens puissants qui l'unissent à ses parents.
 
Avez-vous enfin remarqué comme certaines habitudes sont plus faciles à prendre que d'autres ? N'est-ce pas tout simplement que certains comportements sont en fait directement liés à des besoins inscrits en chacun de nous ? Il est en effet plus facile d'apprendre à un enfant à dormir avec ses parents qu'à dormir seul. Nulle thérapie ou consultations nécessaires pour faire dormir le bébé avec ses parents. Et nous ne connaissons pas de bébé qui se mettrait à pleurer pour aller dormir seul, loin de ses parents. Le bébé qui s'endort une fois au sein va développer très rapidement cette capacité merveilleuse de pouvoir trouver le sommeil dans les bras de sa mère. Il suffit de quelques expériences favorables de ce type, et le pli sera pris. Quelle facilité en comparaison du difficile apprentissage de l'endormissement solitaire !
 
L'adulte qui dort avec un enfant satisfait son propre désir
D'une façon générale, ce sont les parents qui façonnent le quotidien de leur bébé. Ce sont eux qui l'attachent dans le siège auto, eux qui le nourrissent, eux qui le posent ici ou là. Ce sont donc les parents qui placeront le bébé dans son berceau pour dormir, ou dans leur propre lit. Donc dans ce cadre là, oui, les parents satisfont un désir ou une volonté en mettant le bébé dans leur lit. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici. Quand les auteurs insistent ainsi sur le désir des parents, c'est pour jeter la suspicion sur les motivations de leur comportement. Si leur désir ou volonté sont parfois jugés comme satisfaisants (quand ils mènent à des actions comme attacher l'enfant dans une voiture), ils sont parfois jugés comme non-satisfaisants quand il s'agit de dormir avec le bébé. Les vices de la paresse et de la luxure ne sont pas très éloignés de ces représentations. Faut-il se rendre la vie impossible pour être jugé comme de bons parents ? Faut-il se lever 5 fois par nuit pour être absout par la société ? Faut-il se soustraire au plaisir du contact avec son bébé ? Faut-il s'interdire d'éprouver du plaisir à sentir son odeur et sa présence ? Si c'est en partie le désir et le plaisir des parents qui les guident dans le choix du sommeil partagé, cela ne remet aucunement en question le bien-fondé de ce choix. Il nous faut là nous débarrasser de préjugés hérités de notre passé rigoriste et moraliste à l'extrême du XIXe siècle. Et préférer au concept de " plaisir de la chair " au parfum sulfureux celui de " comportement d'attachement " qui est bien évidemment le fait des parents comme celui de leur enfant.
 
Si le bébé pleure, c'est parce qu'il sent l'angoisse de sa mère
Voilà une explication qui est très souvent utilisée pour expliquer les pleurs de l'enfant lors de séparations. Que ce soit en déposant le bébé à la crèche, en essayant de le sevrer ou en le laissant seul dans son lit, les pleurs du bébé seront bien souvent présentés comme la conséquence de l'inquiétude de sa mère face à la séparation. Un changement dans le comportement du bébé (c'est à dire l'acceptation de la séparation) ne pourra se faire avant que la mère ne change d'attitude ou de sentiment. Le bébé est ici totalement nié : il semble transparent, sans aucune individualité, uniquement une " éponge à maman ". C'est une négation complète de son existence comme être humain avec des besoins spécifiques. Ceci étant, que la mère ressente une inquiétude, du déplaisir, lors de séparations me paraît tout à fait possible. Je pense même que cela est positif, et prouve son investissement affectif pour son enfant. L'absence de ses sentiments serait même inquiétante. Qu'il y ait d'une certaine façon interaction entre la mère et son bébé, et reconnaissance mutuelle de l'angoisse de séparation chez l'un et chez l'autre est également probable et tout à fait normal. Essayer de lutter contre ces sentiments naturels est-il autre chose qu'une méthode Coué bien simpliste ? Ce qui m'effraie est plutôt de constater comment la séparation est devenue d'une redoutable banalité pour les psychologues. Et de constater la facilité avec laquelle toutes les difficultés relationnelles sont rejetées sur les épaules de la mère, sans jamais émettre le moindre jugement sur l'environnement et le faible soutien dont cette dernière bénéficie pour constituer une dyade suffisamment soudée avec son bébé.
 
Il faut instaurer une régularité et favoriser les " donneur de temps "
Depuis le début de XXe siècle, la régularité dans les gestes de la vie quotidienne du bébé semble être nécessaire à son bien-être. Ces recommandations sont reprises sous une forme plus moderne aujourd'hui, et restent souvent d'actualité.
Donner un rythme régulier au bébé (siestes régulières, heure de coucher invariante) n'est pas toujours d'une grande utilité. Très souvent, la vie quotidienne de son entourage va structurer la journée du bébé et lui donner un rythme.
De toutes façons, un enfant fatigué s'endormira très facilement. Dans les bras de sa mère, sur l'épaule de son père, dans la poussette, dans la voiture. Il n'a pas besoin d'un calme parfait pour dormir, ni même de son lit. Souvent, en laissant le bébé dormir librement dans un environnement vivant normalement agité, plusieurs petites siestes remplaceront la grosse sieste qui a les faveurs de nos contemporains. Sans perturber le bébé, au contraire : celui-ci appréciera la proximité d'un adulte, et s'endormira très facilement dans ces conditions.
Cette apparente irrégularité n'empêchera pas le bébé de dormir la nuit en même temps que ses parents. Cela ne l'empêchera pas non plus de suivre à sa façon le rythme de la maison (heure de lever, coucher, heures de repas). Les " donneurs de temps " sont de toute façon présents. Et l'enfant ne sera pas désorganisé pas cette liberté, ni ne désorganisera non plus son entourage. Quand il y a du changement, le bébé peut s'adapter très facilement à celui-ci (par exemple le week-end est différent d'un jour de la semaine), car le repère fondamental pour lui, plus qu'un lieu ou qu'un meuble, sera constitué des adultes qui prennent soin de lui. Si une sortie est programmée à une heure déterminée, que le bébé dorme ou non n'est pas un problème : il peut très bien dormir dans les bras, dans le porte-bébé, etc. Combien de jeunes parents s'interdisent inutilement de sortir pour cause de sieste programmée, à faire obligatoirement dans un lit ? Les choses sont en fait bien plus simples quand on ne s'inflige pas d'inutiles contraintes.
 
Les parents sont également très soucieux que leur bébé acquiert le rythme jour/nuit. Ils apprécient également de pouvoir anticiper les périodes de sommeil et de veille de leur enfant. Il suffit parfois de s'organiser un peu mieux pour s'adapter aux besoins du bébé, sans stress inutile. En fait, laisser un enfant s'endormir librement est bien plus pratique pour les adultes que de s'obliger à suivre des rites parfois compliqués et souvent inadaptés. L'un des apprentissages fondamentaux que peuvent faire les jeunes parents, est bien de suivre leur bébé et de s'adapter à ses besoins physiologiques. Ainsi, apprendre à profiter des moments de calmes, quand le bébé dort par exemple, ou est éveillé sans besoin d'être porté, est très efficace pour l'organisation de la vie quotidienne. La souplesse permet d'économiser bien des forces qui peuvent être mobilisées alors pour d'autres tâches.
 
Dormir aux côtés d'un adulte ne permettra pas au bébé de mettre en place ses propres rythmes biologiques de sommeil
Certains biologistes ont mesuré des variables physiologiques (température du corps, taux sanguins de certaines hormones, etc.) et ont pu observer des phénomènes cycliques réguliers. L'un des axes de recherche consistait à trouver des rythmes physiologiques indépendants de l'environnement. Ainsi des mesures ont pu être faites sur des adultes totalement isolés, et des cycles ont été mis en évidence (cycle de 25 heures concernant le sommeil par exemple).
Nos sciences modernes poursuivent leurs investigations et participent à notre connaissance de l'être humain. Ne leur demandons pas plus qu'elles ne peuvent nous donner. Est-ce à ces mesures que nous devons confier notre vie quotidienne ? Si des rythmes sous-tendent notre quotidien, leur influence ne doit pas être surestimée : ils orientent peut-être certaines périodes de veille et de sommeil, mais le contexte joue un rôle déterminant dont il est très difficile de mesurer l'impact . Et déterminer l'ensemble des tenants et aboutissants du sommeil dans le système scientifique de la biologie (ou des règles physico-chimiques) n'est pour l'instant pas d'actualité.
Toutes les recherches physiologiques citées dans la littérature classique française concernent le bébé qui dort seul. Donc le sommeil du bébé dormant contre sa mère n'est pas connu de ces scientifiques. John Mc Kenna, dont il a déjà été question auparavant, a été le seul à étudier en laboratoire les paramètres physiologiques du sommeil de l'enfant quand celui-ci dort avec sa mère. Il a observé de nettes différences au niveau de la répartition des différentes phases de sommeil selon l'environnement du bébé : le bébé dormant avec sa mère a un sommeil plus léger, et se réveille plus fréquemment que celui qui dort seul.
Très souvent, les scientifiques ont une idée intime et personnelle de ce qu'est le sommeil normal du nourrisson, et il est clair que chez nous le sommeil solitaire est la norme pour tous. Ces représentations introduisent des interprétations, initient des études et des types d'observations qui sont donc fortement liées aux préjugés des chercheurs. La peur de l'inconnu (ici le sommeil partagé) rendra ce dernier dangereux et ne pourra que susciter méfiance et hostilité de la part des scientifiques.
Les cycles de sommeil, les phases qui l'architecturent intéressent sans doute les biologistes et les médecins. Ils n'ont pas grand chose à nous apprendre pour faire ce que l'homme fait depuis des milliers d'année : dormir. Certains auteurs insistent pour que les parents reconnaissent les différentes phases du sommeil de leur nourrisson, dans le but d'éviter que le bébé ne soit pris dans les bras au " mauvais moment ". Pourquoi interdire aux mères de prendre leur bébé quand elles en ont envie ? Sommeil agité, sommeil profond, sommeil paradoxal, quelle importance ? A-t-on déjà vu une mère désorganiser le sommeil de son bébé en lui proposant de téter même s'il n'est pas complètement éveillé (c'est même une technique performante pour faire téter un bébé hypotonique ou qui refuse brutalement le sein) ? Rassurons les parents : aucune connaissance physiologique n'est nécessaire pour faire dormir un bébé. Il n'est pas nécessaire d'apprendre à reconnaître les bons moments pour prendre, ou non, son enfant. Et nos experts ne devraient pas se moquer de ces jeunes mères qui, d'une façon intuitive tout à fait justifiée et ajustée aux besoins de leur bébé, prennent ces derniers dans leurs bras même quand ils ne sont pas complètement éveillés.
 
Certains bébés s'endorment très bien tout seul : le sommeil solitaire est donc naturel
Certains bébés effectivement vont s'endormir seul, ne réveilleront jamais leur parent, et ne demanderont jamais rien à personne. Je ne suis pas certaine que cela est vrai pour la majorité des bébés. De toutes façons, de telles observations ne permettent pas de conclure que ce comportement est naturel : nous avons vu qu'une démarche plus ambitieuse était nécessaire pour répondre à la difficile question de la définition d'un comportement naturel. L'homme fait tout un tas de chose très facilement et qui ne sont pas pour autant naturelles (comme de donner le biberon par exemple ou de gaspiller des sommes d'argent considérables pour se soumettre à des contraintes inutiles).
 
Le bébé peut se passer de téter pendant la nuit à partir de trois mois
Admettons que cela soit vrai, et que ne pas se nourrir pendant 8 heures d'affilée, de façon routinière, soit possible pour le petit humain à partir d'un certain âge sans mettre en péril ni sa survie ni sa croissance. De tels propos semblent raisonnables car certains bébés nourris au lait industriel et placés dans une chambre loin de leurs parents espacent leurs prises alimentaires de façon conséquente. Mais entre un comportement acceptable ou supportable et un comportement souhaitable voire optimal, il y a une différence considérable. Enfin la nécessité pour le bébé de se nourrir la nuit ne concerne pas uniquement son statut alimentaire immédiat, mais également au long cours : combien d'allaitements se terminent chez nous par " manque de lait ", car les seins de la mère ne sont pas stimulés suffisamment fréquemment ? Les tétées nocturnes sont bénéfiques à l'allaitement, et peut-être indispensables à la croissance de nombreux bébés . De plus, une tétée n'a pas qu'une fonction nutritive. Il s'agit également pour le bébé de trouver du réconfort, de stimuler ses capacités psychosensorielles, d'interagir avec sa mère, toutes ces raisons étant tout à fait justifiées. Et ne disparaissent ni à 4 mois, ni à 12 mois. Enfin nous imposons avec une étonnante facilité aux autres, plus petits et plus faibles, ce que nous sommes bien loin d'accepter pour nous-mêmes. Certains bébés se retrouvent à 4 biberons par jour, alors que les adultes qui s'en occupent multiplient (parfois sans en avoir conscience) les prises alimentaires ou de liquides. Qui n'a jamais bu un verre d'eau la nuit ?
 
Les parents doivent mettre des limites
Il est clair que l'une des fonctions des adultes élevant un jeune enfant est de lui faire comprendre et accepter certaines limites : ces limites ont comme objectif le respect de sa propre sécurité (ne pas mettre les doigts dans la prise de courant), le respect des autres (respecter la propriété d'autrui), le respect de règles culturelles et sociales (dire bonjour de telle ou telle façon). Dormir ou non avec un adulte ne semble pas correspondre à un de ces cas de figure.
Si des limites sont certainement bénéfiques, n'importe quelle limite ne l'est pas. Elles doivent toujours respecter les besoins très particuliers du bébé. Le discours trop généraliste (" il faut des limites ") ne permet évidemment pas de discuter sur des arguments suffisamment précis et solides.
 
Les parents doivent favoriser l'autonomie de leur enfant
L' autonomie est chez nous un mot fétiche, galvaudé, mal compris. Je ne voudrais pas ici m'étendre sur la réalité d'une autonomie apprise à coup de séparations, ni sur l'intérêt pour notre société de façonner des individus autonomes, en admettant qu'ils le soient vraiment. Il nous faudrait tenter de définir ce mot et débusquer nos représentations sous-jacentes pour comprendre les enjeux réels qui se cachent derrière cette survalorisation de l'autonomie précoce chez l'enfant. Je préfère m'étonner simplement : comment se fait-il que des enfants autonomes soient jugés capables de dormir seuls alors que leurs parents, autonomes eux aussi, ne peuvent imaginer passer une nuit sans leur compagnon ou compagne ? Que s'est-il alors passé pour que le bébé autonome capable de s'endormir seul soit devenu un adulte dépendant de la présence d'un partenaire ? Enfin nous définissons chez nous l'autonomie comme l'indépendance vis-à-vis des parents. Une autre façon de considérer l'autonomie est d'insister sur la liberté. Un bébé libre est-ce un bébé seul dans son lit ou un bébé aux côtés d'un adulte ?
 
La mère et le bébé doivent " défusionner "
C'est un corollaire de la précédente assertion. Je l'évoque car c'est une grande question qui revient sans cesse chez les psychologues aujourd'hui. Leurs cabinets sont en effet remplis de mères qui, bien qu'ayant sevré leur bébé à 2 mois, utilisant depuis sa naissance poussettes et landaus, le laissant régulièrement aux bons soins de professionnels qualifiés et cherchant à tout prix à le faire dormir dans un lit à barreaux dans la chambre du premier, ont du mal à " défusionner ". Pourrait-on suggérer d'aller jusqu'à l'internat pour les bébés, afin d'instaurer une mise à distance suffisante et d'interrompe définitivement ces inquiétudes et ces difficultés à se détacher ? Comment peut-on espérer avoir des mères rassurées et épanouies quand elles s'imposent tant de barrières entre elles et leur bébé ? Comment comprendre la fantastique bêtise des soi-disant spécialistes qui invitent toujours les mères modernes à défusionner, alors même que nous sommes déjà dans le domaine de la " défusion " des champions toute-catégorie ? Quand reconnaîtra-t-on que ce sont nos modes de vie qui créent ce que nous combattons, c'est à dire que le manque de proximité engendre anxiété et troubles de la séparation ? Et que répondre à ces difficultés de séparation en augmentant la difficulté pour encore plus de séparation est un délire partagé par tous nos spécialistes ? Il est urgent de reprendre nos esprits, et, au contraire, d'encourager les mères à fusionner enfin dans une sérénité retrouvée. Sinon nous courons le risque de dissoudre le lien mère-enfant, ce qui serait bien évidemment une solution à tous ces problèmes, et malheureusement très certainement ce vers quoi tendent de nombreux thérapeutes, de façon inconsciente bien entendu.

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